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sous un microscope à faible grossissement des négatifs obtenus avec une mise au point bien exacte : sur ces images, qui représentent l’oiseau vu d’en haut, on peut aisément compter les rémiges et saisir l’imbrication de ces plumes.

Fig. 5

Si l’on dispose des photographies d’oiseaux sur un phénakistiscope, on reproduit bien l’apparence des mouvements du vol, mais les images correspondant à chaque révolution de l’aile sont encore trop peu nombreuses pour se bien prêter à l’analyse des mouvements du vol : il faudra donc en augmenter le nombre. On y peut arriver, par exemple, en doublant la vitesse du mouvement de la plaque et des obturateurs, ce que j’ai pu faire avec ce même fusil, tout en ayant encore assez de lumière pour la production des images : la durée de l’éclairage de la plaque n’était alors que de 1/1440 de seconde ; encore l’objectif employé n’était-il pas des plus rapides.

En photographiant l’oiseau dans d’autres conditions, par exemple lorsqu’il s’éloigne de l’observateur ou qu’il s’en rapproche, lorsqu’il est vu par en dessous ou par en dessus, on obtient d’autres renseignements sur le mécanisme du vol ; ainsi, on observe aisément les changements d’inclinaison du plan de l’aile, inflexion des rémiges sur la résistance de l’air, les mouvements par lesquels le corps se porte en avant pendant l’abaissement de l’aile, en arrière pendant l’élévation.

J’ai déjà comparé à cet égard, les renseignements données par la photographie à ceux que m’avait autrefois donnés la méthode graphique, et j’ai obtenu ainsi la confirmation des points principaux que je croyais avoir établis par le première de ces méthodes ; Il ne paraît pas douteux que les images photographiques n’ajoutent beaucoup de connaissances nouvelles à celles que nous avons sur le mécanisme du vol. J’attends, pour émettre à cet égard une opinion fondée, d’avoir recueilli les éléments nécessaires, c’est-à-dire un grand nombre d’images d’oiseaux d’espèces différentes, exécutant le vol ramé ou le planement, soit en temps calme, soit avec du vent soufflant dans des directions variées.

La chauve-souris est difficile à photographier, à cause de son vol capricieux, de sa petite taille et de l’heure tardive à laquelle elle se montre. Mes meilleures plaques ne m’ont donné que cinq ou six images sur les douze changements de position de la plaque photographique ; encore ces images étaient-elles parfois sur la limite du champ de l’instrument. Les rares expériences que j’ai pu faire sur cet animal m’ont toutefois montré certains faits intéressants. On voit, sur les photographies, que l’angle d’oscillation des ailes de la chauve-souris est très étendu, surtout par en bas, où les deux ailes forment deux plans verticaux sensiblement parallèles. On constate, en outre, que la chauve-souris peut voler malgré l’ablation d’une notable étendue de la membrane de ses ailes, pourvu que la partie restante corresponde aux espaces interdigitaux. Ainsi, parmi les images que j’ai recueillies, il en est une qui se retrouve plusieurs fois : il s’agissait d’une chauve-souris dont l’humérus et l’avant-bras apparaissent entièrement dépourvus de membranes ; à l’extrémité de l’aile on voit seulement une sorte de petit éventail formé des membranes interdigitales. L’aile ainsi mutilée exécute des mouvements beaucoup plus étendus que celles qui est intacte.

Le fusil photographique se prête également à l’étude du mouvement de différentes espèces d’animaux : j’ai photographié des chevaux, des ânes, des chiens, des hommes à pied ou des vélocipèdes ; mais je n’ai pas donné suite à ces expériences : elles rentrent dans le programme que M. Muybridge remplit avec tant de succès. Je me propose surtout d’étudier au moyen de la photographie le mécanisme du vol chez les diverses espèces animales. On entrevoit déjà qu’aux différentes formes des oiseaux et des insectes correspondent des différences dans la manière de voler ; or rien ne paraît plus propre à éclairer le mécanisme du vol que cette comparaison de la fonction avec la conformation des organes chez différentes espèces.

E. J. Marey.


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