Page:La Normandie littéraire, année 15, tomes 7-8, numéros 1 à 11, 1900.djvu/125

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

ses petits-enfants et souffrit des disparitions qui dévastèrent son foyer. Au lendemain d’une mort cruelle, elle écrivait à ses enfants :[1]

» Combattez l’amertume, mes pauvres enfants. Ayez le malheur doux et n’accusez pas Dieu. Il vous a donné un an de bonheur et d’espoir. Il a repris dans son sein qui est l’amour universel, le bien qu’il vous avait donné il vous le rendra sous d’autre traits. »

Elle répétait toujours, et avec une poignante éloquence, qu’il fallait avoir la douleur bonne, et surtout qu’il ne fallait jamais accepter le désespoir comme un hôte à demeure. « Il faut toujours se relever, ramasser, rassembler les lambeaux de son cœur, accrochés à toutes les ronces du chemin et aller à Dieu avec ce sanglant trophée. »[2] Elle comprenait la douleur d’une façon très sereine et très haute et pensait que le malheur est fait surtout pour les cœurs d’élite. C’était une grande résignée. « Résignons-nous notre cause et notre but nous est inconnu, mais ils sont l’œuvre et le vouloir de Dieu. Ils ne peuvent donc être mauvais. » Elle avait de la force pour se reprendre à la vie et au dévouement ; elle savait que l’âme des morts aimés demeure éternelle et présente, et à chaque nouvelle épreuve elle se réfugie dans cette pensée « Se retrouver ailleurs est la récompense ; pour la mériter nous devons faire marcher ensemble le courage et le souvenir, le regret tendre et l’espérance vaillante. » [3]

Elle avait une délicatesse exquise pour plaindre les cœurs brisés quand la mort avait interrompu de chères et profondes affections : elle s’appliquait à garder vis-à-vis des autres une grande sérénité, et elle réalisa bien ce mot que lui dit un jour, quand elle était toute petite fille, Mme de Pardaillan, la vieille amie de sa grand’mère : « Soyez toujours bonne, ma pauvre enfant, car ce sera votre seul bonheur en ce monde. » Elle s’imposa de fort peu penser à elle et de plus songer aux douleurs d’autrui qu’aux siennes propres.

Elle avait de l’amitié un sentiment profond : elle en comprenait avec une rare minutie de tendresse les joies et les bonheurs. Elle l’envisageait si

  1. Corresp. Lettre du 25 juillet 1864.
  2. Corresp. 15 janvier 1865. – Voir également : Ses Lettres à marie.
  3. Corresp. 27 février 1862.