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Page:La Normandie littéraire, année 15, tomes 7-8, numéros 1 à 11, 1900.djvu/13

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du siècle nouveau, presque femme du peuple. Toutefois, elle sut gré à sa mère de « n’avoir jamais démoli l’édifice enchanté de son imagination », et de lui avoir donné les premières notions de la vie « conformes aux besoins intellectuels que lui avait créés la nature[1] ».

Sa grand’mère lui inculqua un goût esthétique très raffiné. Elle passait de longues heures aux pieds de la vieille madame Dupin, qui d’une pauvre voix cassée lui lisait à la dérobée les anciens opéras du XVIIIe siècle. « C’était, disait-elle, de la belle musique, admirablement comprise et sentie[2] ».

Aurore fut mise au couvent, elle échappa ainsi au spectacle pénible des rapports, toujours très tendus, qui existaient entre sa mère et sa grand’mère. Elle oublia vite sa famille : exaltée par une religieuse d’Écosse, elle songea à prendre le voile. Elle annonça la grande nouvelle à cette charmante mère Alicia, sa maîtresse préférée, celle qu’elle aimait, et dont le pur regard l’impressionnait délicieusement et lui était comme une conscience. Mais la mère Alicia l’éclaira avec justesse et douceur et lui expliqua que les crises de dévotion écloses par les soirs de printemps, quand on a quinze ans, ne sont pas des signes infaillibles de vocation. Elle la renvoya aux conseils pleins de sagesse de son vieux confesseur, le saint abbé de Prémord, qui rassurait de son mieux les inquiétudes et les tourments de cette âme déjà tumultueuse. Comme la vie allait changer l’enfant mystique du couvent des Anglaises ?

Comment reconnaître la compagne de sœur Hélène[3] dans la femme de 1863, qui se vante d’avoir laissé son fils se marier civilement, et qui avance sur Jésus et la religion catholique des affirmations haineuses. Quelle inconséquence, quand, en 1872, elle félicitera l’ex-père Hyacinthe d’avoir rompu avec l’Église ! Elle reprochait au catholicisme ses doctrines anti-sociales, mais elle oubliait que le Jésus, dont elle feint alors d’ignorer l’évangile, eut le premier pitié

  1. Histoire de ma vie.
  2. G. Sand connaissait à fond la musique du xviiie siècle si oubliée maintenant ; elle a eu l’occasion d’en parler avec éloquence dans de longs passages de « Consuelo », de la « Comtesse de Rudolstadt, « d’Adriani ».
  3. Sœur converse du couvent, des Anglaises.