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la nouvelle revue

« Ainsi la Prusse, la Russie, peuvent se partager le monde, comme l’ont voulu Alexandre et Napoléon Ier, Nous savons que les arbres ne montent pas jusqu’au ciel, mais il conviendrait de veiller à ce qu’ils ne dépassent pas trop la taille ordinaire, pour que nous ne soyons pas privés d’air et de lumière. »

Voilà ce qu’on écrivait de Francfort il y a douze ans ! Ne pourrait-on publier cet article avec le même à-propos en Russie aujourd’hui ? Mais reprenons.

La guerre de 1870 éclate comme une bombe sur la France, guerre : acceptée follement avec 300,000 hommes contre un million de soldats allemands. L’Autriche voit les troupes russes se masser à sa frontière pour la surveiller. La dépêche du tzar au roi de Prusse : « Comptez sur moi », proclame hautement l’alliance de la Russie et de la Prusse.

Les Italiens sont entretenus dans l’irritation. Malgré le désir incontestable de Victor-Emmanuel de venir au secours de la France, désir dont notre regretté ami Niuo Bixio nous a donné la preuve, l’Italie est impuissante et ne peut nous secourir à cause de la désorganisation de son armée, que le malheureux ministère Lanza vient de réduire à la plus stricte économie^ jusqu’à vendre les chevaux de sa cavalerie et de son artillerie. Un mot en passant à cet ami de la France, au général Govone, qui, en apprenant notre défaite, déclare la race latine frappée et se tue de désespoir dans un accès de folie.

La France vaincue malgré son héroïsme, parce que l’homme fatal a voulu qu’elle fût seule au dehors et trahie au dedans, voilà ce que fut, pour nous et pour nos vainqueurs, 1871. La fortune de la Prusse est à son comble, l’empire est fait : argent, terres, gloire, tout abonde à Berlin. M. de Bismarck vat-il jouir en paix du fruit de ses machinations ? L’homme de la guerre emploie aussitôt l’argent de la paix à la préparation d’autres guerres. A peine gorgé, il songe à la misère future et prépare une autre promenade lucrative à Paris.

Il va en Russie et reste avec son empereur deux semaines à Saint-Pétersbourg. Il renouvelle les promesses de Potsdam, il y ajouté. Et bientôt après Andrassy, féal serviteur de M. de Bismarck, vient avec François-Joseph à Saint-Pétersbourg. M. de Bismarck