Déméas. — Ah ! tu ne savais pas vivre dans le luxe !
Chrysis. — Je ne savais pas ? Qu’est-ce que tu dis ?
Déméas. — Et quand tu es entrée ici… chez moi, Chrysis, tu n’avais — comprends-tu — qu’une toilette toute simple…
Chrysis. — Quoi donc ?
Déméas. — C’était là tout ton bagage, au temps où tu traînais misère !
Chrysis. — Et maintenant ?…
Déméas. — Ne me parle pas !… tu as toutes tes affaires… je t’abandonne tout, parures, servantes, bijoux… décampe de chez moi…
Chrysis, en a-parte. — Il est en colère !… voilà l’histoire… approchons-nous de lui (À Déméas). Vois…
Déméas. — Pourquoi me parles-tu ?
Chrysis. — … À ne pas être injuste !
Déméas. — Tout à l’heure, une autre se tiendra heureuse de mes dons, Chrysis !… et elle en remerciera les dieux !…
Chrysis. — Qu’y a-t-il ?
Déméas. — Toi, tu t’es donné le luxe d’un rejeton ! ta fortune est faite !
Chrysis. — Pas encore ! j’ai du chagrin pourtant !
Déméas. — Je te casserai la tête, créature, si tu m’adresses la parole !
Chrysis. — Tu n’aurais pas tort !… mais, vois, je m’en vais de ce pas.
Déméas. — Oh ! le beau trésor ! à la ville, tu vas pouvoir t’estimer à ta juste valeur ! Les petites femmes de ton bord, Chrysis, ne se font payer que dix drachmes pour courir aux soupers et boire du pur jus, jusqu’à ce que mort s’ensuive ! ou alors, elles crèveraient de faim, si elles n’y consentaient pas vivement et promptement ! tu le sauras mieux que personne, j’en suis sûr, et tu comprendras ta valeur et ta sottise !
(Il s’élance dans la maison et ferme sa porte).
Chrysis. — Ah ! misère de ma vie !
Nicératos. — La bête que voilà va fournir en l’honneur des dieux et des déesses un sacrifice selon tous les rites requis ! Car elle a du sang, du fiel en suffisance, des os magnifiques, une rate immense ! c’est tout ce que réclament les Olympiens ! Et pour que les amis en goûtent, je leur enverrai, coupée en morceaux… la toison : car c’est tout ce que j’aurai de reste. (L’esclave emmène la brebis dans la maison de Nicératos) Mais par Hercule, qu’est-ce que je vois ! n’est-ce pas