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Page:La Nouvelle revue. v.103 (Nov-Dec 1896).djvu/370

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Il prétendit qu’un dissentiment s’était élevé entre les directeurs et lui, qu’on lui avait préféré un pot-de-vin, mais qu’il ferait tourner ce vin en vinaigre. Quand nous nous retrouvâmes seuls, il démentit son premier récit.

— Quelqu’un m’a perdu. Un homme qui me hait et qui se venge en me calomniant.

— Tu as un ennemi ?

M. de Charny.

Je restai stupéfaite.

— Comment M. de Charny, ancien fonctionnaire, peut-il être en relations avec la Conquête ?

— Le fait est que des relations se sont établies. Favrot m’a fait appeler. Il m’a demandé des explications, sous prétexte que l’homme privé est solidaire de l’homme public et qu’il veut pouvoir répondre de ses collaborateurs. J’ai trouvé ses prétentions excessives et nous nous sommes fâchés. Ce Favrot est un brave homme, mais trop naïf, trop exalté, un libre penseur mystique. Quant à Charny, c’est un type du même genre et je ne m’étonne qu’à demi de leurs trop bonnes relations. N’oublie pas qu’il a démissionné. Il est libre.

— Et sa femme ?

— A peur de lui.

— Mais, Maxime, que pouvait-on te reprocher ?

— Cela ne saurait t’intéresser. Tu connaîtras plus tard cette vilaine histoire… Quand je me serai vengé !

— De qui ?

— De Charny, de Favrot, de tous mes anciens amis.

— Mais tes convictions…

— Oh mes convictions ! Chacun pour soi ! Je ne crois plus qu’aux théories qui rapportent.

— Mais tu te contredis toi-même.

Errare humanum est. Un chemin m’est barré. J’en trouverai un autre.

— Et de quoi vivras-tu ? Tu m’as avoué des dettes.

— Sois tranquille. J’ai encore des amis. Je ne suis pas de ceux qui se résignent à la misère.

Je ne dissimulai qu’à demi ma désillusion. Quoi ! ces généreuses pensées, ces belles colères, ces revendications qui avaient suscité mon enthousiasme, n’étaient que des procédés d’ambitieux ? Maxime tombait de son piédestal. L’honnêteté de