solitude, le silence, la contagion du désir me livraient aux inconscientes énergies de ma jeunesse. L’amour grondait en moi — non pas le complexe et craintif sentiment créé et cultivé dans les âmes civilisées, mais l’aveugle, la primitive volonté qui perpétue, dans les cris des vierges et l’étreinte des jeunes hommes, la vie antique et l’antique douleur.
— Oh ! tu m’appartiens ! tu m’appartiens !
Je ne répondis pas. Ma destinée allait s’accomplir. Soudain, une voix résonna dans le sentier, sous les châtaigniers et les chênes, une voix qui m’appelait par mon nom :
— Marianne !
D’un brusque sursaut, je repoussai Maxime. Tremblants, nous regardâmes autour de nous. Mme Gannerault apparaissait au seuil de la sablonnière. Un juron s’étouffa entre les dents de Maxime. J’étais prête à m’évanouir.
— Eh bien, mes enfants, où vous cachiez-vous ? Marianne, je te prie d’aller prévenir la laitière que je compte sur elle pour ce soir. Maxime m’accompagnera à la maison. Va, ma chérie !
Oh ! le coin du bois, le taillis aux ombres mouvantes où je me réfugiai, où j’éclatai en sanglots involontaires, heureuse et désespérée à la fois ! Qu’avais-je fait et qu’allais-je faire ! Mon éphémère griserie était passée et je ne gardais des caresses de Maxime que le tremblement d’un grand danger couru ! N’aimais-je donc pas encore ! Cependant, ces douces paroles que j’avais prononcées, ces baisers que j’avais rendus, ce consentement ! Hélas ! je n’étais pas sûre que cet amour éclos sous les lèvres de Maxime fût autre chose qu’un violent et passager désir.
— Mais alors, si je m’étais donnée ?…
Un frisson me secoua à l’évocation de l’odieuse image. Non ! non ! je ne voulais plus ! J’avais cédé aux suggestions du désir parce que j’étais jeune, forte, née pour l’amour et exaspérée par l’attente. Est-ce un crime ? Je ne sais. Les mœurs et les morales tolèrent ce qu’on appelle les libertinages des jeunes gens et imposent à notre sexe, comme facile et presque sans mérite, une hypocrite chasteté. Je ne suis pas beaucoup plus coupable que l’adolescent qui tombe, un jour d’orage, dans les bras d’une femme mûre. Et cependant mon cœur est déchiré de regrets !… Pleure ! fille sans courage, capable seulement de demi-audaces et de demi-pudeurs ! Tu n’as pas osé choisir ta voie ! Tu n’as pas trouvé le chemin qui conduit vers l’amour et tu n’as pas su l’at-