Page:La Nouvelle revue. v.103 (Nov-Dec 1896).djvu/590

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de gouaillerie obscène. Et fermant les yeux pour ne plus voir le ciel sale, les terrains sales, la rivière sale, toute cette fange qui me refluait au cœur, je dis à Maxime : « Retournons. »

La voiture pivota et repartit. Maxime, se méprenant sur les causes de ma tristesse, me saisit tout à coup dans ses bras :

— Oh ! ne pleure pas, ne sois pas jalouse, mon cher amour. Nous oublierons tout aux bras l’un de l’autre ! Que t’importe celle que je n’aime pas ! Tu ne me feras plus attendre, tu viendras. Oh ! Marianne, quelle ivresse ! Dis, tu me le promets, tu viendras ?

— Ne me demande rien encore.

— Pourquoi ? tu as peur ?

— Peut-être !

— Peur ? Des conséquences possibles ?

Il murmura à mon oreille quelques mots qui me firent rougir.

— Non, ne me parle pas ainsi, Maxime ! Tais-toi ! Je ne veux pas savoir. Penser à cela me fait horreur !

— Enfant ! dit-il, enfant !

J’étais dans ses bras, sur sa poitrine, mais le vertige désiré et redouté ne venait plus. Un inexprimable mélange de lâcheté et de répulsion submergeait toutes mes pensées. Et peu à peu, naissait en moi le rêve de me libérer, de m’enfuir loin de cet homme, avant qu’il m’eût soumise par la force exécrée de ses baisers.

Quand je rentrai à la maison, sans avoir rien décidé, rien promis, rien obtenu de Maxime, ma marraine se jeta dans mes bras en sanglotant. Une congestion avait terrassé M. Gannerault et malgré les soins du médecin appelé à la hâte, tout espoir était perdu.


XIX

— Maxime !… Maxime !… criait la mère. Il faut qu’il vienne ! Je veux voir Maxime… Que vais-je devenir ?

J’étais tombée à genoux au chevet de mon parrain. Si la vie du corps vacillait comme une flamme incertaine sous un grand vent, il y avait longtemps que l’âme était entrée dans la nuit. Déjà les paupières découvraient les prunelles vitreuses, les traits