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LA NOUVELLE REVUE.

gination. Il ne se forma pas de nouveaux partis ; toutes ces tendances si diverses agirent simultanément, tantôt se combattant, tantôt se confondant, comme s’entre-croisent les courants qui, par un temps calme, moirent parfois la surface de la mer. L’influence française s’affaiblit la première. Pendant les guerres de l’empire, le commerce américain avait eu fort à souffrir, non pas seulement des conséquences du blocus continental, mais aussi des saisies opérées par des capitaines français, lesquels s’obstinaient à traiter en ennemi tout ce qui parlait anglais. À plusieurs reprises, le gouvernement fédéral avait réclamé des indemnités ; finalement le principe en fut reconnu, mais le traité négocié par les ministres de Louis-Philippe avec les représentants du président Jackson échoua devant les Chambres françaises et la guerre, une fois encore, menaça d’éclater. L’affaire s’arrangea grâce à la médiation de l’Angleterre ; elle causa néanmoins du ressentiment en Amérique. Ces querelles successives laissaient après elles une amertume qu’aggravaient singulièrement les expressions de dédain, d’indifférence ou de condescendance, habituelles aux Français lorsqu’ils parlaient du nouveau monde : « Qu’allez-vous faire dans ce pays de sauvages ? » écrivait la princesse de la Trémoïlle au baron Hyde de Neuville, nommé par Louis XVIII ministre de France à Washington, et l’ambassadeur avait beau répondre que « ces colons révoltés… montent à pas précipités vers les destins les plus hauts », il ne parvenait à convaincre ni son gouvernement ni son aimable correspondante. Quand La Fayette eut cessé de vivre, les souvenirs de la guerre de l’indépendance prirent un caractère plus exclusivement national ; on oublia une intervention que la France elle-même négligeait de rappeler. Les Américains lui en voulaient, d’ailleurs, de son retour à la monarchie. Ils avaient cru voir dans la proclamation de la république un hommage rendu à leur initiative. Ces perpétuels changements de constitution et de dynastie leur semblaient indignes d’une grande nation. En 1848, ils ne prêtaient plus d’attention aux affaires françaises ; leur armée venait d’entrer à Mexico, le pavillon étoilé flottait encore sur le château de Chapultepec et la paix de Guadalupe-Hidalgo faisait passer sous leur domination des territoires grands comme l’Allemagne et la Russie réunies.

Ces événements rejetaient dans l’ombre la révolution de Paris, et le contre-coup qu’elle pouvait avoir en Europe. L’insurrection hongroise pourtant éveilla un écho sympathique au delà des