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Page:La Petite république, 1902 (extrait Par le fer et par l’amour, chapitres XXXI à XXXIII).djvu/23

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sa porte ; mais le maréchal l’en empêcha, disant qu’il attendait quelqu’un.

Enfin, à la nuit noire, un cavalier s’arrêta devant l’auberge, et sans descendre de cheval, s’informa d’un voyageur qui devait être arrivé la veille ou le jour même. Et comme on lui répondit qu’un voyageur et son écuyer étaient en effet dans l’auberge, il mit pied à terre et entra.

Cet homme fut mis en présence d’Henri de Montmorency qui esquissa un signe mystérieux.

Sur un signe semblable, que fit le nouveau venu, le maréchal ferma soigneusement sa porte et demanda vivement :

— Vous venez du château d’Angers ?

— Oui, monseigneur.

— Vous avez à me parler de la part du duc ?

— Quel duc, monseigneur ? fit le cavalier en se tenant sur la réserve.

— Mais… celui qui a dû, ces jours-ci, faire une visite… au château.

— Veuillez préciser, monseigneur…

— Le duc de Guise ! fit Montmorency à voix basse.

— Nous sommes d’accord. Excusez toutes ces précautions, monsieur le maréchal, nous sommes fort surveillés…

— Bon ! Guise est-il encore à Angers ?

— Non. Il en est reparti il y a trois jours et se rend à Paris. Le duc d’Anjou est parti hier.

— Savez-vous s’il y a eu entre eux quelque entente ?

— Je ne crois pas, monseigneur. Le duc d’Anjou est trop préoccupé de ses mignons, et de ses bigoudis.

— Vous m’apportez donc quelque mot d’ordre d’Henri de Guise ?…

—Oui, monseigneur ; le voici…

L’homme baissa la voix :

— Le 30 mars prochain, à neuf heures et demie du soir, à l’auberge de la Devinière, à Paris, rue Saint-Denis. Vous souviendrez-vous, monsieur le maréchal ?

— Je me souviendrai.

— Vous demanderez M. de Ronsard, le poète. Vous serez masqué. Vous aurez une plume rouge à votre toque.

— Le 30 mars au soir, rue Saint-Denis, à la Devinière, bien. Est-ce tout ?

— Oui, monseigneur. Puis-je me retirer ? Car il ne faut pas que mon absence ait été remarquée…

— Allez, mon ami, allez…

— Je vous serai reconnaissant de rendre compte à monseigneur Henri de Guise que je me suis bien acquitté de la commission, et de lui dire que je suis à lui corps et âme, bien que j’appartienne au duc d’Anjou… en apparence !

— Ce sera fait. Comment vous, appelez-vous ?

— Maurevert, pour vous servir, ici et à Paris où je dois être sous peu.

Et Maurevert, ayant salué, se retira ; et quelques instants plus tard, le maréchal entendit le galop de son cheval qui filait sur la route d’Angers.

— Voilà une vraie figure de coquin, songea-t-il. Comment Henri de Guise peut-il employer de pareils serviteurs ?… En voilà un qui trahit son maître aujourd’hui. Qui dit qu’il ne nous trahira pas demain ? Quant à ce rendez-vous en pleine rue Saint-Denis, j’irai, mais je prendrai mes précautions !

Nos lecteurs ont déjà vu qu’Henri de Montmorency devait effectivement assister à la réunion de la Devinière, en cette soirée où Ronsard et ses poètes firent semblant de tuer un bouc et où le duc de Guise et ses acolytes cherchèrent le moyen de tuer un roi.

Après le départ de Maurevert, l’écuyer monta dans la chambre du maréchal qui était au premier et donnait sur une petite, cour où se trouvaient les écuries.

— Continuons-nous notre route, monseigneur ? demanda l’écuyer.

— Ma foi non ; nous ferons étape ici ; mais sois prêt demain matin à la première heure,