Page:La Phalange, tome 4, 1846.djvu/174

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Le Nil gonfle son sein. La peste délirante
Abat sur tes cités une aile dévorante…
Ô roi, brise ton sceptre et ton glaive sanglant,
Et sur le sol natal presse ton front tremblant.
Déjà la mère expire et l’enfant agonise…
Les grands sphinx du désert qu’un peuple divinise,
Tordus, et s’écroulant au fleuve rugissant,
Creusent dans ses limons un tourbillon puissant.
Tes aïeux effrayés, palpitantes momies,
Troublent de leurs clameurs tes salles endormies ;
Ton héritier chancelle, et tes hauts monuments
Poussent jusques au ciel d’horribles craquements !


pharaon.


Tu mens, ô Thérapeute, ô guérisseur de l’âme !
Osiris luit aux cieux de sa plus belle flamme ;
Et mes aïeux, debout dans leurs linceuls de lin,
Reposent à l’abri de leur fils orphelin.
Le mien, tout rayonnant de l’éclat de son père,
Aux bras des voluptés coule un destin prospère.
En nappes de flots purs, largement épanchés,
Le Nil fuit. — Dans ses joncs les enfants sont couchés.
Des airs générateurs, le souffle pacifique,
Fait sourire au soleil l’Égypte magnifique,
Et la moisson dorée embaume les champs verts.
Tu mens, ô Thérapeute, et mes yeux sont ouverts !
Rien n’a déraciné mes œuvres sans pareilles ;
Les louanges du monde emplissent mes oreilles…
Mais la sombre tristesse est au fond de mon cœur :
Le désir m’a blessé d’un aiguillon vainqueur !
Étranger, le sais-tu ? toi de qui l’œil contemple
Isis resplendissante au milieu de son temple,
Sais-tu de ce désir l’irrésistible ardeur ?
Parle ! qui suis-je ? où vais-je ! Et dans la profondeur
Des cieux, ardents palais, impalpables abîmes,
Quel Dieu m’emportera sur des ailes sublimes ?
Quel regard a doré la belle immensité ?
Parle ! ou n’écoutant plus que mon cœur irrité,
Thérapeute fertile en sinistres présages,
J’irai dans l’ombre obscure où rampent tes faux sages ;
De douleur, décolère et de haine brûlé,
Je briserai l’autel d’où je suis exilé