Page:La Pléiade, 1921.djvu/211

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.



Exercice


Afin de n’avoir pas de surprise brutale
À l’heure que, portant la baguette fatale,
La nymphe de la tombe approchera de lui,
Il a soin, chaque fois que commence la nuit,
D’arrêter ses pensers sur des objets funèbres.
Il s’applique à sentir les flèches des ténèbres
Plonger jusqu’à son cœur leur vol victorieux.
Distinctement, il croit entendre les adieux
Que lui font, à l’instant de son départ suprême,
Les hommes qu’il estime et les femmes qu’il aime ;
Et puis, il se figure avoir perdu son corps.
Et le voici qui passe, en la barque des morts,
L’onde infernale où flotte une hydre paresseuse.
L’atmosphère est tranquille et tiède, et l’eau berceuse.
Il se tait. Il se penche. Et le sombre nocher
Lui montre sur la rive où la nef va toucher,
Parmi le pur silence et l’ombre délicate,
Le spectre de Laïs et l’âme de Socrate.