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Page:La Révolte - année 2 - n° 30, 7 avril 1889.djvu/1

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POUR LA FRANCE Unen……..+…… Fr 5-Six mois .. » 260 Troismois……………….. Les abonnements pris dans les bureaux de poste paient une surtaxe de 2 cent. — 5 CENTIMES Paraissant tous les samedis ORGANE COMMUNISTE-ANARCHISTE Do 7 av 13 AVRIL 1889. POUR L’EXTÉRIEUR Unan.. T—- Six mois. 3 Troismois… 1 Les abonnements peuvent être pny@" timbres-poste de tous pays Es ADMINISTRATION:140, Rue Mouffetard, 140, PARIS


FATALITÉ DE LA RÉVOLUTION

Ce qui effraie un grand nombre de travailleurs et les éloigne des idées anarchistes, c’est ce mot de révolution qui leur fait entrevoir tout un horizon de luttes, de combats et de sang répandu, qui les fait trembler à l’idée qu’un jour ils pourront être forcés de descendre dans la rue et se battre contre un pouvoir qui leur semble un colosse invulnérable contre lequel il est inutile de lutter violemment et qu’il est impossible de vaincre.

Les révolutions passées, qui ont toutes tourné contre leur but et l’ont laissé toujours aussi misérable qu’avant, ont contribué pour beaucoup aussi à rendre le peuple sceptique à l’égard d’une révolution nouvelle. A quoi bon aller se battre et aller se faire casser la figure, se dit-il, pour qu’une bande de nouveaux intrigants nous exploitent aux lieu et place de ceux qui sont au pouvoir actuellement ; je serai bien bête. Et tout en geignant sur sa misère, tout en murmurant contre les hâbleurs qui l’ont trompé par des promesses qu’ils n’ont jamais tenues, il se bouche les oreilles contre les faits qui lui crient la nécessité d’une action virile, il ferme les yeux pour ne pas avoir à envisager l’éventualité de la lutte qui se prépare, il se terre dans son effroi de l’inconnu, voudrait un changement qu’il reconnaît inévitable. Il sait bien que la misère qui frappe autour de lui l’atteindra demain et l’enverra, lui et les siens, grossir le tas d’affamés qui vivent de la charité publique, mais il espère dans des à-coups providentiels qui lui éviteront de descendre dans la rue et alors il se raccroche de toutes ses forces à ceux qui lui font espérer ce changement sans lutte et sans combat ; il acclame ceux qui daubent sur le pouvoir, lui font espérer des réformes, lui font entrevoir toute une législation en sa faveur, le plaignent de sa misère et lui promettent de l’alléger. Croit-il davantage en eux qu’en ceux qui lui parlent de la révolution ? Il est probable que non, mais ils lui font espérer un changement sans qu’il ait à prendre part directement à la lutte. Cela lui suffit à l’heure actuelle. Il s’endort dans sa quiétude, attendant de les voir à l’œuvre, pour recommencer ses plaintes lorsqu’il verra éluder les promesses, s’éloigner l’heure de leur réalisation. Jusqu’au jour où, acculé à la faim, le dégoût et l’indignation étant à leur comble, on verra descendre dans la rue ceux qui, à l’heure actuelle, semblent les plus éloignés de se révolter.

Pour qui réfléchit et étudie les phénomènes sociaux, en effet, la Révolution est inévitable, tout y pousse, tout y contribue et la résistance gouvernementale peut aider à en éloigner la date, à en enrayer les effets, mais ne peut l’empêcher ; de même que la propagande anarchiste peut en hâter l’explosion, contribuer à la rendre efficace, en instruisant les travailleurs des causes de leur misère et en les mettant à même de les supprimer, mais serait impuissante à l’amener si elle n’était le fait de l’organisation sociale vicieuse dont nous souffrons.

Donc, quand les anarchistes parlent de révolution, ils ne s’illusionnent pas au point de croire que c’est leur propagande qui amènera les individus à descendre dans la rue, à remuer les pavés et à attaquer le pouvoir et la propriété et que leur seule parole va enflammer les foules au point qu’elles vont se lever en masse et courir sus à l’ennemi. Les temps ne sont plus où le peuple s’enflammait à la voix des tribuns et se soulevait à leurs accents.

Notre époque est plus positive ; il faut des causes, il faut des circonstances pour que le peuple se révolte. Aujourd’hui, les tribuns sont bien diminués et ne sont plutôt que la représentation — plus ou moins fidèle — du mécontentement populaire qu’ils n’en sont les inspirateurs. Si les anarchistes se réclament de la révolution, ce n’est donc pas parce qu’ils espèrent que la foule descendra dans la rue à leur voix mais seulement parce qu’ils espèrent lui faire comprendre qu’elle est inévitable et l’amener à se préparer pour cette lutte, à ne plus l’envisager avec crainte, mais l’habituer à y voir son affranchissement. Or, ce positivisme de la foule a cela de bon qu’il la détache des hâbleurs ; si elle s’engoue pour eux, elle s’en détache aussi vite ; au fond, elle ne cherche qu’une chose, son affranchissement, et elle discute les idées qui lui sont soumises. Peu importe qu’elle s’égare, son éducation se fait tous les jours, et elle devient de plus en plus sceptique à l’égard de ceux qu’elle acclame momentanément comme ses sauveurs.

La révolution ne se crée ni ne s’improvise, c’est un fait acquis pour les anarchistes ; pour eux, c’est un fait mathématique, découlant de la mauvaise organisation sociale actuelle ; leur objectif est que les travailleurs soient assez instruits des causes de leur misère pour qu’ils sachent profiter de cette révolution qu’ils seront fatalement amenés à accomplir, et ne s’en laissent pas arracher les fruits par les intrigants qui chercheront à se substituer aux gouvernants actuels et à substituer, sous des noms différents, un pouvoir qui ne serait que la continuation de celui que le peuple aurait renversé.

En effet, pour qui réfléchit, il est bien évident que la situation ne peut se prolonger indéfiniment, et que tout nous mène à un cataclysme inévitable.

L’État a beau augmenter sa police, son armée, ses emplois, les perfectionnements apportés par la science, le développement de l’outillage mécanique jetant tous les jours un nouveau stock de travailleurs inoccupés sur le pavé, et l’armée des affamés se grossit de plus en plus, la vie devient de plus en plus difficile, les chômages de plus en plus fréquents et de plus en plus longs.

Les conquêtes coloniales auxquelles se livrait la bourgeoisie pour se créer des débouchés nouveaux deviennent de plus en plus difficiles, les marchés anciens deviennent producteurs à leur tour, contribuent encore à l’engorgement de produits. Les krachs financiers aident de plus en plus à faire affluer les capitaux entre les mains d’une minorité de plus en plus petite et à précipiter dans le prolétariat quelques petits rentiers, quelques petits industriels. Les temps ne sont pas loin où ceux qui craignent la révolution commenceront à l’envisager avec moins d’effroi et à l’appeler de tous leurs vœux Et ce jour-là, la révolution sera dans l’air, il suffira de peu de chose pour qu’elle éclate, entraînant dans son tourbillon, à l’assaut du pouvoir, à la destruction des privilèges, ceux qui actuellement ne l’envisagent qu’avec crainte et avec défiance.


MOUVEMENT SOCIAL France Paris. — Un camarade nous envoie deux coupures de journaux qui annoncent comme de hauts faits de ’charité bourgeoise, que la reine d’Angletèrre a envoyé les dessertes de sa; table aux vieillards infirmes de Biarritz et le comité de la fête franco-russe, celles qui sont provenuesdu souper qui a suivi la fête de l’Opéra. Notre correspondant s’indigne que la société puisse présenter cette monstruosité: les uns — le plus grand nombre — réduits à manger les restes d’un petit tas de parasites. — Eh bien ! cela n’est rien encore, le chef-d’œuvre du genre a élé trouvé par le Conseil municipal de Paris, quand il a fait payer le droit d’aller visiter le local où il avait nocé et gueuletonné la veille. Il est vrai qu’en ce cas, la bêtise de ceux qui ont payé pour cela, dépassait la goujaterie do ceux qui faisaient payer. Libeité de la presse, — Le compagnon Baudelot vient d’être condamné à 6 mois de prison et milie franes d’amende. Quant à ceux qui croient encore au jury, c’est sur sa réponse affirmative et sans circonstances atténuantes que la peine a été prononcée. x*x Décidément la base de nos jolies institutions commence à s’écrouler, les nimois continuent à s’abstenir d’urner ; aux élections municipales de dimanche dernier 40, 000 électeurs sur 13, 000 inscrits sont restés chez eux ; il en a été de même dans l’Ouest, une élection au Conseil général ayant lieu à Saint-Nazaire, 5, 000 électeurs sur 8, 000 inscrits se sont abstenus, voilà deux faits significatifs, dont les votards ne voudront certes pas convenir, mais qui donnent pleine raison à nos idées et doivent nous encourager fä redoubler de courage, car tout cela indique bien la fin d’un monde, ArMENTIÈRES. — À la suite des troubles et des grèves quiont eu lieu dernièrement, des arrestations avaient été opérées, elles viennent d’avoit leur épilogue devant le tribunal correctionnel. Est acquitté, Verbecke; M u t i l é M a u v a i s e i m p r e s s i o n m e i l l e u r e c o p i e d i s p o n i b l e