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Page:La Révolution surréaliste, n02, 1925.djvu/26

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CHRONIQUES

MaxErnsl.

pourtant bien votre cas, radicaux, ramènent les écarts de pensée à de simples délits sans force, ces maîtres de maison courtois, et tolérants, ces dilettantes de la morale, ces farceurs, ces badins sceptiques, seront-ils longtemps nos maîtres, pratiquerqnt-ils toujours l’oppression par le sourire ? Il est inconcevable qu’on exalte en l’homme ses facultés mineures, par exemple la sociabilité, aux dépens de ses facultés majeures, comme la faculté de tuer. Il suffira d’un sursaut de la conscience de ce tigre auquel on a fait prendre pour une prison les rayures annelées de sa robe pour qu’il s’élève à la notion morale de sa liberté, etqu’il reconnaisse alors les ennemis de la morale. Alors, ô modérés, il n’y aura plus pour vous de refuge dans les rues, dans les maisons, dans les édifices du culte, dans les bordels, dans l’innocence des enfants, ni dans les larmes bleues des femmes, alors la liberté tyrannique vous clouera tout à coup

hi-bouxet rhéteurs •—

à vos portes, alors elle jettera son nom à l’univers avec un grand éclat de rire, et l’univers ira disant que la liberté maintenant se nommela Révolution perpétuelle.

Louis ARAGON

LaVie:

Le Bouquet sans Fleurs

Au pas... j’ai rêvé de mettre mes idées au pas, de m’abandonner à la cadencesourdede ma vie ; je ne voulais plus récolter le désespoir que je sème. C’était alors l’hiver et, de l’autre coté de la rue, chaque après-midi, je voyais le soleil tendre aux vitres ses mouchoirs de flammes. Je pensais à ces hommes-refugesdont je suis, la tête haute, comme,dans des fouilles,on se trouve en présenced’un mort tenant encoresa lampe de mineur. Et je repoussaisla damnation. Jusqu’ici je n’ai été que trop porté à spéculersur le découragement de tous. Les plus jolies femmes elles-mêmes, j’eusse voulu les élever contre leur sort, glisserce follet dans leurs yeux ouverts. Et pourtant le détestable bonheur, pour le peu qui m’en a été donné, peut bien s’évaporer dans sa touchante fiole de poison, ce n’est pas à lui que j’aurai recours pour vivre. Elles sont, les occasions, pourvues d’une si grande puissance affective, et si pressantes, que je n’ose me tracer un chemin à l’abri de leur cahotement, quitte à consternerceux qui déjà croyaient à mon impassibilité en me voyant, à certaines heures, passer au-dessusd’eux avec l’exactitude d’un wagonnet de pierres.

On m’a beaucoup reproché dernièrement de telles défaillanceset, tout d’abord, de ne pas agir de façon plus conformeà mes idées. Commesi, répondant au premierappel de celles-ci,obéissant à l’impulsion la plus fréquente et la plus forte que je subisse,il ne me restait pas qu’à descendre dans la rue, revolversaux poings, et... l’on voit ce qu’il adviendrait. Puis, qui sait, j’épargnerais quelqu’un, et tout serait à refaire. En pareil domaine -y a-t -il place, pourtant, pour autre chose? Quelle action indirecte me satisferait ? Dès lors que je cherche, voici, paraît-il, que je rentre dans l’art, c’est-à -dire dans je ne sais quel ordre social où l’impunité m’est assurée mais où, jusqu’à un certain point, je cessede tirer à conséquence. Encore la condition qui m’est ainsi faite ne peut-elle passer pour incompatibleavec ma dignité que pour ceux qui ne vous ont jamais vu briller entre les barreaux, belles et grandes prunelles’

Des heures me sont accordées pour penser à tout: ce qui me désarme : de jeune, d’éternel, d’incertain, de splendidc.La beauté d’un être et ce droit imprescriptibleque de loin en loin je veux me croire sur elle, aussi vrai que cela peut encore constituer pour moi la torture par l’espérance, je ne demande l’as qu’on me juge à l’échelle des héros.

Dans sa « Préface à l’Avenir »,M. Jean Hytier déplore qu’après Les Pas perdus je ne me sois pas suicidé. A le croire j’aurais fait machine arrière en revenant au surréalisme. Il a peut-être raison.Mais si je possèdeà quelque degré le sentiment tragique de la vie, concevrait-onqu’il me détourne d’exalter ce qui me paraît exaltable ? Ne serait-ce pas méconnaîtrepar là la nature de ce sentiment ? J’ai pu, ces dernièresannées, constater les méfaitsd’uncertain nihilismeintellectuel dont la malice était à tout propos de poser la question de confiancela plus généraleet la plus vaine. Dans le désarroi moral qui s’ensuivait, seuls trouvaient grâce quelques modesd’activité superficielleet de pauvres paradoxes. C’est ains