TEXTES SURREALISTES
et y restent, il y a du terrain ; si elles n'y restent pas, il n'y a rien, que des nuages, il y faut la place, même pour une petite construction d'enfant. Dans le bleu il faut le beau bleu, et dans ce beau bleu, il faut, c'est ma grand-mère qui me l'a appris, que l'on puisse y tailler une culotte de gendarme. Pourra-t -il la tailler ? Elle annoncerait le beau temps, mais un gendarme nain me suffit à vêtir, disait-il en pleurant ; depuis le matin il cherchait. Les voisins le crurent mort. Non et voici la preuve : on l'a retrouvé vivant.
Raymond Queneau :
Des canons de neige bombardent les vallées
du désastre permanent. Cadavres périmés,
les périmètres de l'azur ne sont plus chambres
pour l'amour et la peste au sourire d'argent
entoure les fenêtres de cerceaux de platine.
Les métaux en fusion sont filtrés sur des
buvards de pigeons géants ; puis, concassés,
ils sont expédiés vers les volcans et les mines.
Traînées de plomb, traînées de marbre, miné-
raux et carbones, monde souterrain où personne
ne voyagea, n'êtes vous pas l'esprit chû aux
pieds de la mort ? Limon rouge des océans,
lacs métalliques, poissons aveugles, algues
blanchâtres, mystères de la profondeur, inso-
lubles reflets du ciel ! Et voilà la périphérie
des météores et les orbites des comètes qui
s'évanouissent dans la gloire d'un chêne plus
vieux que la lune. Les astéroïdes se dispersent
sur toutes les nations. Des femmes en recueillent pour orner leur piano, des hommes
tendent leur chapeau, les enfants crient et
les chiens pissent contre les murs tachés de
cervelle.
Les raisins ne mûriront pas cette année ;
les fleurs mourront sans fruits aux premières
clameurs de la subversion des champs. La
terre arable, la marne et le calcaire, l'humus
et le terreau, des hommes les projettent dans
l'atmosphère où l'orgueil du travail humain
se disperse joyeusement. Les minerais qui
déchirent si agréablement les mains, les fossiles,
le granit et le feldspath, les cristaux, le mica,
le sable d'or — les hommes les pétrissent
de leurs doigts sanglants, ils les piétinent
afin que leurs pieds même partagent leur
bonheur ; ils creusent sans fin, les tunnels
deviennent carrières, l'ardeur de ce monde
sans vie conquiert l'humanité aux premières
lueurs d'un nouvel ascétisme.
Image : VIVE LA FRANCE Max Ernst.