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ENTREE DES SUCCUBES

souvent qu’elle le peut retrouver son infortuné camarade. Elle l’opprime. Et l’on prétend qu’elle peut en arriver à regretter son crime aussitôt qu’elle. Fa commis. On a vu des succubes constatant les ravages de leurs baisers, soulever de leurs mains transparentes la tête pâle de leur favori, lisser lentement ses cheveux, et faire retentir la nuit des soupirs déchirants de la fatalité. Mais l’effet même de leurs transports amène les insatiables visiteuses à tempérer leurs ardeurs. Elles restent plusieurs jours sans venir, elles laissent les couleurs refleurir sur ce visage abattu. Puis quand le repos retrouvé l’imprudent s’abandonne à l’ombre, et l’on entend de loin sa respiration régulière, par la porte du rêve à nouveau les voilà. On a discuté sans fin du moyen d’éviter les succubes. Il semble que rien, ni les reliques, ni les prières que préconisent des charlatans revêtus de la fausse dignité d’un prétendu sacerdoce, ni les méthodes chimériques du psychiatre viennois, car ce n’est pas la peine de considérer seulement celles de ses ennemis, ne mettent l’homme à l’abri de ces consomptions oniriques. Cependant, au cas qu’il se reconnaît la proie d’un démon toujours le même, et sans doute ceci n’est pas toujours facile à dépister, car le démon rusé prend soin de revêtir des formes changeantes, à moins que tombant dans le travers des mortels il veuille, l’insensé, voir partager sa passion et tâche sous un aspect agréable d’inspirer la folie à ce corps qui en est le principe, alors, m’a-t -on prétendu, le possédé a un moyen désespérénon pas d’écarter d’un coup la succube, mais de la décevoir, et ainsi peu à peu de la déshabituer de lui. C’est alors même que l’abstinence paraît de rigueur au malade qu’il doit frénétiquement se jeter dans la débauche, de telle façon que l’esprit nocturne le retrouve toujours sans force, et soit vaincu par l’impuissance et la pitié. Cependant, qu’il ne croie pas pouvoir user modérément de cette thérapeutique : les succubes ont tant de procédés pour rendre sa vigueur au plus faible, qu’il en est, qui sont des vampires, et qui réveillent jusqu’aux morts. Si donc, il use sa journée à de parcimonieuses luxures, il ne sera pas sauvé pour la nuit qui vient. L’aube le retrouvera marri d’une précaution inutile. Que l’homme en proie aux succubes baise, baise tant qu’il peut. Et quand il est rendu, que sa compagne elle-même et il l’aura pourtant choisie solide, et âpre au plaisir, ne pense plus pouvoir tirer de lui la plus fallacieuse jouissance, qu’il en appelle enfin aux pharmacies pour retrouver des forces qui se dissimulent. On lui dira qu’il se tue. Mais il continuera patiemment ce régime, durant septante jours d’à filée. L’antiquité, et toute l’histoire des Chrétiens, fourmillent en anecdotes où les succubes sont nommées, ou peuvent, par un attentif commentateur, être décelées. Il y a des traités spéciaux auxquels je renverrai le lecteur curieux. Mais dans la diversité de ces histoires on voit que ces filles voluptueuses de l’enfer se comportent de deux façons principales entre lesquelles on constate tous les intermédiaires, qui trahissent en elles deux instincts opposés, deux goûts aussi forts l’un que l’autre, et dont nous trouverions sans doute en nous l’équivalence si nous savions nous interroger. Les unes, et ce sont les plus nombreuses, on dirait que leur plaisir est de s’abattre sur les plus vertueux des hommes. Et non point de ces vertueux, qui le sont moins par vertu que par tempérament. Non : sur ceux-là mêmes pour qui la vertu est un perpétuel combat. Qui se promènent tout le jour au sein même du vice et ne succombent pas à une tentation, qu’ils s’avouent parfois ressentir. Puis patatras. Ils n’ont pas plus tôt fermé les yeux que les voilà dans l’abomination jusqu’au cou. On prétend que ce goût répond, chez la succube, à un calcul qui m’étonne un peu : elle penserait trouver ainsi des amants dispos et solides, et se riant de leur chaste combat ferait bon marché de leur pudeur sévère. Je ne crois pas que ce soit la bonne explication. L’homme serait-il meilleur que la succube ? Or on ne le voit jamais ainsi raisonnant. S’il apprend à ses femmesà baisser les yeux, à ne pas coucher avec le premier venu si ça leur chante, il est faux que ce soit pour profiter d’un amoncellement de désirs. Il leur enseigne ainsi la retenue au nom d’un Dieu, qui pour n’être pas toujours le même, n’en attache pas moins toujours ses premiers soins au contrôle soigneux des coucheries humaines.

L’autre espèce de démolies préfère aux hommes chastes les roués. Ce sont des raffinées, qui ne tiennent pas tant à la qualité du plaisir qu’à la subtilité de ses modes. L’hypothétique même de la réussite lui confère pour leur coeur un attrait plus grand. Elles savent prendre leur parti d’un déboire. 11 n’est pas rare qu’elles quittent au jicl.it matin une couche qui ne les a pas vues heureuses. Qu’importe !

Elles aiment avant tout le commerce 

d’un corps qui a le sens sujjérieur de l’amour, et pas n’est besoin qu’il leur procure ses satisfactions grossières. Elles ont peu d’estime pour les marques du tempérament. Outre que chacun sait au reste, qu’il y a plus souvent j)lus grand désajjpointement avec, un homme qui vit dans l’oubli de la volupté, qu’avec un autre qui en semble épuisé, et rendu. Ainsi nous éj)roavons une aise véritable à rencontrer de ces femmes qui ont mené toute leur vie dans l’exercice des baisers et qui sont pour ainsi dire, en même temps, qu’un peu défaites, toutes refaites jiar l’amour, et moins que d’autres à la merci du tenqjs ; toute leur chair est intelligence, elles ont la conduite du plaisir, elles nous y retiennent. Rien en elles ne fatigue, rien n’obsède. Elles savent, voyez-vous bien, ce que c’est. Ainsi les succubes dont je parle apprécient chez les dormeurs une sorte d’esjn-it, de fornication, qui passe pour elles en tout sens les qualités de l’ardeur, et celles, plus méprisables encore, de la vertu. Je ne donnerai pas à ceux qu’elles comblent de leurs faveurs le conseil de la débauche