Page:La Révolution surréaliste, n07, 1926.djvu/13

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POÈMES Quand je ferme les yeux des floraisons phosphorescentes apparaissent et se fanent et renaissent comme des feux d’artifice charnus. Des pays inconnus que je parcours en compagnie de créatures. Il y a toi sans doute, ô belle et discrète espionne. Et l’âme palpable de l’étendue. Et les parfums du ciel et des étoiles et le chant du coq d’il y a Î2.000 ans et le cri du paon dans des parcs en flamme et des baisers. Des mains qui se serrent sinistrementdans une lumière blafarde et des essieux qui grincent sur des routes médusantes. Il y a toi sans doute que je ne connais pas, que je connais au contraire. Mais qui présente dans mes rêves s’obstine à s’y laisser deviner sans y paraître Toi ’qui restes insaisissable dans la réalité et dans le rêve. Toi qui m’appartiens de par ma volonté de te posséder en illusion mais qui n’ approches ton visage du mien que mes yeux clos aussi bien au rêve qu’à la réalité. Toi qu’en dépit d’une rhétorique facile ou le flot meurt sur les plages, où la corneille vole dans des usines en ruines, où le bois pourrit en craquant sous un soleil de plomb, Toi qui es la base de mes rêves et qui secoue mon esprit plein de métamorphoses et qui me laisses ton gant quand je baise ta main. Dans la nuit, il y a les étoiles et le mouvement ténébreux de la mer, des fleuves, des forêts, des villes, des herbes, des poumons de millions et millions d’êtres. Dans la nuit il y a les merveilles du monde. Dans la nuit, il n’y a pas d’anges gardiens mais il y aie sommeil. Dans lanuitilyatoi, Le (jour aussi. SI TU SAVAIS Loin de moi et semblable aux étoiles, à la mer et à tous les accessoires de la mythologie poétique, Loin de moi et cependant présente à ton insu, Loin de moi et [plus silencieuse encore parce que je t’imagine sans cesse, Loin de moi, mon joli mirage et mon rêve éternel, tu ne peux pas savoir. Si tu savais. Loin de moi et peut-être davantage encore de m?ignorer et m’ignorer encore. Loin de moi parce que tu ne m’aimes pas sans doute ou, ce qui revient au même, que j’en doute. Loin de moi parce que tu ignores sciemment mes désirs passionnés. Loin de moi parce que tu es cruelle. Si tu savais. Loin de moi ô joyeuse comme la fleur qui danse dans la rivière au bout de sa tige aquatique, ô triste comme sept heures du soir dans les champignonnières. Loin de moi silencieuse encore ainsi qu’en ma présence et joyeuse encore commel’heure en forme de cigogne qui tombe de haut. YvesTanguy