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SECOND MANIFESTE DU SURRÉALISME

donner corps à leur ambition, à cette ambition qui préexistait en eux, c’est là le point grave, à la découverte de leur prétendue vocation révolutionnaire. Il faut les voir prêcher d’auto- rité aux vieux militants, il faut les voir brûler en moins de temps qu’il n’en faudrait pour brûler leur porte-plume, les étapes de la pensée critiqué "plus sévère ici que partout ailleurs, il faut les voir, l’un prendre à témoin un petit buste à trois francs quatre-vingt quinze de Lénine, l’autre taper sur le ventre de Trotsky. Ce que je n’accepte pas davantage c’est que des gens avec qui nous nous sommes trouvés en contact et de qui, pour l’avoir éprouvée à nos dépens, nous avons dénoncé à toute occa- sion depuis trois ans la mauvaise foi, l’arri- visme et les fins contre-révolutionnaires, les Morhange, les Politzer et les Lefèvre, trouvent le moyen de capter la confiance des dirigeants du parti communiste au point de pouvoir publier, avec l’apparence au moins de leur approbation, deux numéros d’une Revue de Psychologie concrète et sept numéros de la Revue Marxiste, au bout desquels ils se chargent de nous édifier définitivement sur leur bassesse, le second en se décidant, au bout d’un an de « travail » en commun et de complicité, à aller, parce qu’on parle de supprimer la psycho- logie concrète qui ne se « vend » pas, donner au parti le premier, coupable d’avoir dissipé en un jour à Monte-Carlo une somme de deux cent mille francs qui lui avait été confiée pour servir à la propagande révolutionnaire, et celui-ci, outré seulement de ce procédé, venant brusquement s’ouvrir à moi de son indignation mais reconnaissant sans diffi- cultés que le fait est exact. Il est donc permis aujourd’hui, M. Rappoport aidant, d’abuser du nom de Marx, en France, sans que personne y voie le moindre mal. Je demande, dans ces conditions, qu’on me dise où en est la moralité révolutionnaire. On conçoit que la facilité d’en imposer aussi complètement que ces messieurs à ceux qui les accueillent, hier à l’intérieur du parti communiste, demain dans l’opposition de ce parti, ait été et doive être encore pour tenter quelques intellectuels peu scrupuleux, pris aussi bien dans le surréalisme, qui n’a pas, ensuite, de plus déclarés adversaires. Les uns, à la manière de M. Baron, auteur de poèmes assez habilement, démarqués d’Apollinaire, mais de plus jouisseur à la diable et, faute absolue d’idées générales, dans la forêt immense du surréalisme pauvre petit coucher de soleil sur une mare stagnante, apportent au monde « révolutionnaire » le tribut d’une exaltation de collège, d’une ignorance « crasse » agré- mentées de visions de quatorze juillet. (Dans un style impayable, M. Baron m’a l’ait part, il y a quelques mois, de sa conversion au léni- nisme intégral. Je tiens sa lettre, où les propo- sitions les plus cocasses le disputent à de ter- ribles lieux communs empruntés au langage de l'Humanité et à des protestations d’amitié touchantes, à la disposition des amateurs. Je n’en reparlerai que s’il m’y oblige.) Les autres, à la manière de M. Naville, de qui nous atten- drons patiemment que son inassouvissable soif de notoriété le dévore — en un rien de temps il a été directeur de l’OEuf dur, directeur de la Révolution Surréaliste, il a eu la haute, main sur l’Etudiant d’avant-garde, il a été directeur de Clarté, de la Lutte de Classes, il a failli être directeur du Camarade, le voici maintenant grand premier rôle à la Vérité — les autres s’en voudraient de devoir à quelque cause que ce soit autre chose qu’un petit salut de protection comme en ont, à l’adresse des malheureux, les dames des bonnes oeuvres qui, ensuite, en deux mots vont leur dire quoi faire. Rien qu’à voir passer M. Naville, le parti communiste français, le parti russe, la plupart des oppositionnels de tous les pays au premier rang desquels les hommes envers qui il eut pu avoir contracté une dette : Boris Souvarine, Marcel Fourrier, tout comme le surréalisme et moi, ont fait figure de nécessi- teux. M. Baron qui écrivit l’Allure poétique. est à cette allure ce que M. Naville est à l’allure révolutionnaire. Un stage de trois mois dans le parti communiste, s’est dit M. Naville, voilà qui est bien suffisant puisque l’intérêt, pour moi, est de faire valoir que j’en suis sorti. M. Naville, tout au moins le père de M. Naville, est fort riche. (Pour ceux de mes lecteurs qui ne sont pas ennemis du pittoresque, j’ajouterai que le bureau directorial de la Lutte de Classes est situé 15, rue de Grenelle, dans une propriété de famille, de M. Naville, qui n’est autre que l’ancien hôtel des ducs de La Rochefoucauld.) De telles considérations me semblent moins indifférentes que jamais. Je remarque, en effet, que M. Morhange, au moment où il entreprend de fonder la Revue Marxiste, est commandité à cet effet de 5 mil- lions par M. Friedmann. Sa malchance à la roulette a beau l’obliger à rembourser peu après la plus grande partie de cette somme, il n’en reste pas moins que c’est grâce à cette aide financière exorbitante qu’il parvient à usurper la place, qu’on sait et à y faire, excuser son incompétence notoire. C’est également en souscrivant un certain nombre de parts de fondateur de l’entreprise « Les Revues », dont dépendait la Revue Marxiste que M. Baron, qui venait, d’hériter, put croire que de plus vastes horizons s’ouvraient devant lui. Or, lorsque M. Naville nous fit part, il y a quelques mois, de son intention de. faire paraître le Ca- marade, journal qui répondait, d’après lui, à la nécessité de donner une nouvelle vigueur à la critique oppositionnelle mais qui, en réalité, devait, surtout lui permettre de prendre de Fourrier, trop clairvoyant, un de ces congés sourds dont il a l’habitude, j’ai été curieux d’apprendre de sa bouche qui faisait les frais de cette publication, publication dont, comme je l’ai dit, il devait, être directeur, et seul direc- teur bien entendu. Etaient-ce ces mystérieux « amis » avec lesquels on engage, de longues conversations très amusantes à chaque dernière page de journal et qu’on prétend intéresser si vivement