Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/103

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et, soit que de vagues réminiscences historiques à propos de cours d’eau fameux s’éveillassent dans sa mémoire, soit que, après tant d’agitation de son esprit, il éprouvât une sorte d’excitation fébrile : « Voyons, dit-il en souriant, à quelle heure nous goûtons de l’eau de cette rivière. » Il regarda sa montre, but, et ajouta d’un ton d’enjouement : « Je désire que cet incident soit consigné dans l’histoire de l’expédition, si on l’écrit quelque jour. » Il parut tenir à ce qu’on lui en fît la promesse ; c’est l’auteur même de ce récit qui s’y engagea au nom de tous, et qui s’en acquitte aujourd’hui avec une religieuse exactitude ; car la mort, dont notre chef était si proche, sait, par sa nature énigmatique même, tout ennoblir, tout absoudre et tout consacrer.

L’Apa en cet endroit est rapide, mais les grandes dalles dont il a son fond comme pavé, invitent à entrer dans ses belles eaux : c’est ce que firent un grand nombre de soldats ; plusieurs passaient sur l’autre rive, disant qu’ils allaient, de leur personne, conquérir le Paraguay.

À la nuit, nous vîmes deux officiers brésiliens qui venaient, à l’heure du péril, se réunir à nous et partager notre fortune. Ils étaient accou-