Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/157

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accourant vers nous demi-nu, tout couvert de sang. Lorsqu’il eut repris haleine, il raconta ce qui s’était passé : les Paraguéens les avaient cernés ; le lieutenant Victor Baptiste et les deux frères Ferreira avaient été massacrés, lui-même n’avait pu échapper que grâce à un fourré d’épines où il s’était jeté, et d’où il avait réussi par miracle à gagner la rivière.

Ce fatal événement consterna tout le monde ; que ne dut pas éprouver le malheureux colonel, du caractère dont il était, si accessible aux angoisses du repentir et du remords ! Il maîtrisa cependant son émotion, ne dit pas un mot, et bientôt on l’entendit ordonner aux ingénieurs de construire un pont sur l’Apa pour le passage des troupes.

Tout ce qu’on put faire, le matériel et les outils manquant, ce fut une passerelle bien vacillante et bien peu sûre ; mais, par chance, la hauteur des eaux avait diminué sensiblement, et la rivière était praticable à gué.

Le passage de la colonne commença à six heures, la matinée suivante ; il fut lent et difficile. Les soldats traversaient l’eau en élevant armes et bagages au-dessus de leurs têtes,