Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/234

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violemment entre eux ; plusieurs même s’empressèrent de s’en revêtir. La longue-vue nous permettait d’apercevoir clairement ce révoltant spectacle, qui nous tenait stupéfaits comme un incroyable mirage ; mais un de nos obus lancé par la pièce Napoléon Freire, pointée sur eux pendant qu’ils étaient en grand nombre au milieu des sépultures, alla précisément éclater sur leurs têtes, en tua quelques-uns, en précipita d’autres dans les fosses, dispersa le reste, et délivra le lieu de leur présence. Cette juste représaille répandit quelque animation dans le camp, jusqu’au coucher du soleil de ce triste jour.

À la nuit, nous fûmes appelés par le colonel Camisão. Il avait eu plusieurs conférences avec les commandants des corps, il paraissait profondément affecté, parla pourtant sans irritation de la fatalité qui s’était attachée aux mouvements de la colonne, et répéta plusieurs fois, ce qu’il sentait sincèrement dans l’âme, que la mort pour un chef était préférable au spectacle qu’il avait sous les yeux depuis quelque temps. Il se plaignit en termes modérés, sans l’amertume qu’il y avait mise précédemment, du