Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/262

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d’oranges dont ils laissaient à peine quelques débris.

Ce jour-là encore, nous vîmes arriver au campement, presque nu et semblable à un cadavre, l’un des malheureux abandonnés du 26, lequel, ayant trouvé dans l’excès même de la terreur un reste de force vitale qui le sauva, était venu la nuit, se traînant sur nos traces par les fourrés les plus épais. Il n’avait pourtant pas toujours réussi à éviter les Paraguéens ; mais eux, voyant l’état dans lequel l’avait mis le mal, se contentaient, pour se divertir, de l’accabler de coups ; et, comme il leur disait de ne pas le tuer : « Nous ne tuons pas les cadavres, lui répondaient-ils ; celui que nous voulons, c’est ton commandant. » Et ils jetaient le malheureux par terre à coups de bois de lance. L’homme fut ainsi rendu à notre expédition, après des souffrances auxquelles peu de constitutions humaines auraient pu résister.