Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/285

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confiance. Il finit pourtant par faire un choix, et avec tant de bonheur, que, ce jour-là même, il put, de son asile, voir s’avancer notre colonne. Sa joie était si vive qu’elle faillit être dangereuse pour lui. Son costume étrange et la précipitation de ses mouvements le firent prendre pour un Paraguéen. Nos hommes d’avant-garde tirèrent sur lui. Il se laissa tomber comme mort dans les broussailles. Après un temps d’immobilité prudente, il commença à élever doucement dans l’air, au bout d’une gaulette, son cache-nez, puis, voyant qu’il n’attirait pas les balles, un bras d’abord, ensuite la tête, et enfin sa personne tout entière, qui n’était autre que celle de notre ami et familier Saraco.

Les soldats, le reconnaissant aussitôt, l’accablèrent d’embrassades, de compliments et de questions. Il était dans un ravissement inexprimable de se voir sorti des périls où il avait cru laisser sa vie, et dont il s’estimait quitte à bon marché, au prix de ses hardes et de tant de moments de frayeur.

Quant à l’ennemi, nous ne devions plus le revoir qu’une fois ; mais nous avions à subir encore un effet de sa perfide et cruelle animosité.