Page:La Retraite de Laguna (Plon 1891).djvu/289

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doute, n’avaient pas eu le temps d’emporter, et qui étaient déjà la proie de l’incendie. Le riz et la farine carbonisés au dehors ; le sel, cette matière si rare et si précieuse dans l’intérieur du pays, se noircissait et fondait sous nos yeux : nos soldats ne s’épargnèrent pas à en sauver ce qu’ils purent.

Une grande quantité de cadavres étaient étendus ça et là, tous de Brésiliens. Il fut constaté même que plusieurs d’entre ces malheureux avaient servi dans nos rangs ; ayant déserté au plus fort de nos misères, et mourant de faim dans les bois, ils s’étaient hâtés, au risque même d’être reconnus, de venir prendre part au pillage. L’un d’eux, pieds et poings liés, avait été saigné comme un porc ; un autre gisait criblé de blessures, et une vieille femme, jetée auprès d’eux, la gorge ouverte et les deux seins coupés, nageait dans son sang.

Presque toute la colonne alla s’établir pour la nuit, derrière l’église, sur la grande plate-forme que nous avons décrite, et où, échelonnés avec nos canons dans les angles, pour plus de sûreté contre l’ennemi, nous étions appuyés au bois de la rivière. Là, nous eûmes enfin un peu de