l’épouse mourait ; alors le fils se rapprochait de la mère pitoyable. Plus douloureuse encore, la fin définitive du roman. Car Jeanne eut, pour son fils, un amour passionné, mais un peu puéril ; elle s’attarda trop aux soins matériels et ne songea pas à lui façonner une âme. Combien cruellement elle expie cette imprévoyante tendresse ! Le fils, sans force morale, se laisse entraîner jusqu’à l’indélicatesse, puis, à l’heure de la détresse, lui écrit humblement. Et la femme qui a tenu rancune au mari pardonnera au fils. Parmi les héroïnes de Maupassant, Jeanne se dresse, pure et grave, symbole de la maternité.
Après Une vie, cette merveilleuse suite de tableaux qui se relient et donnent l’impression de l’existence monotone des châtelains, Guy publiait Bel ami, construisant ce livre, d’après une méthode absolument neuve. Ce fut d’ailleurs son souci constant de se renouveler à chaque volume. Ainsi qu’il variait le champ de ses observations, étudiant tour à tour les hobereaux provinciaux, les bohèmes, les journalistes, les petits bourgeois, les mondains, de même, il transformait sans cesse la formule de ses romans. Chacun marquait nettement une étape de son esprit. Lors de ses débuts le jeune homme avait pénétré dans la bohème des lettres, et, de cette incursion, rapporta des types de femmes, de la plus curieuse diversité, attirées par ce Bel ami comme de folles petites mouches par la lumière qui les brûlera. Lui est le mâle conscient de son pouvoir ; et sa brutalité caressante vainc toutes ces fragiles volontés féminines. D’abord cette Madeleine Forestier, d’un charme compliqué, arriviste comme Bel ami : mais tandis que celui-ci est vraiment la fille qui, de ses séductions se crée des rentes, elle dédaigne le rôle de serve du plaisir, et fine, active, rapporte de ses haltes dans les alcôves ministérielles non de l’or, mais des documents. Elle appartient à une sorte de courtisanerie intellectuelle raffinée.
Clo est primesautière et fantaisiste, sans grande notion du bien ni du mal, pillant de la joie à droite et à gauche comme le moineau pille son grain sans se demander s’il y a droit. Bel ami lui plaît ; elle s’offre, câline et ensorceleuse. Sans nulle dignité, elle accepte le premier mariage du jeune homme ; au second, elle se révolte un peu, puis se console, car elle sait qu’il lui reviendra.
Enfin apparaît l’image douloureuse de Mme Walter, cette femme dont la résistance a été édifiée des années et pour qui la première faute prend une douloureuse signification. C’est une apostasie, le renoncement à la religion de sa vie. Dans un milieu frelaté, elle a mis sa gloire à garder la foi au mari, qu’elle