existence, à l’heure où, après les rêves sombrés, les essais médiocres, l’amour s’installe définitivement dans l’âme.
Peut-être s’étonnera-t-on de l’influence que, sur des intellectuels, eurent les femmes purement mondaines. Celle dont l’unique souci est de plaire réalise, plus que toute autre, le rêve d’harmonie de l’artiste. Elle a perfectionné sa beauté comme une rare fleur savamment cultivée, et sait la science des attitudes et regards. Elle apporte un élément de souffrance dans l’âme tourmentée, et, inconsciemment, venge toutes les autres femmes, les tristes et les sincères.
Car Michèle de Burne n’est point une passionnée, mais une coquette. Ainsi qu’il lui plaît de parer son salon de bibelots précieux, elle aime orner son souvenir d’hommes intelligents et charmeurs. C’est une collectionneuse, pas une femme. Et cet être si factice donnera les émotions les plus ardentes, apportera la vie en l’âme jadis sommeillante de Mariolle. Tel autre homme croirait que celle qui lui crée ces joies et ces douleurs les partage. Mais Mariolle est un observateur, ne l’oublions pas. Il s’analyse et analyse la femme aimée, comme le médecin dissèque le cadavre d’amphithéâtre, mettant à nu les os et les nerfs, ne laissant que des débris répugnants. Il désarticule les impressions, scrute les sensations, sait le pourquoi et le comment des baisers. Il exaspère toutes les menues souffrances qui frôlent son âme jusqu’à les y faire pénétrer douloureusement. Et il comprend que, pour cette femme, le don d’elle-même est une coquetterie, rien de plus. Même dans l’étreinte, elle lui échappe, car « il semblait que son cœur ne fut point entré avec elle, il était resté quelque part, très loin, flânant, distrait par de petites choses. »
Pour tromper l’angoisse de la solitude, il s’était passionnément attaché à cet amour, et voici qu’il éprouvait l’atroce solitude à deux. Et dans ce livre, le romancier divulgua la navrance de son cœur.
En ce bref retour vers des héroïnes qui, déjà appartiennent au passé, nous avons voulu montrer que Guy de Maupassant sut, avec une merveilleuse impartialité, noter toutes les évolutions de l’âme féminine, depuis l’âme tourmentée de l’amante jusqu’à l’âme de la mère. Et il le fit avec un art compréhensif qui rend son œuvre impérissable.