Page:La Revue, volume 56, 1905.djvu/108

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« Le feu commandant Hirose jura qu’il reviendrait à la vie sept fois pour combattre pour son souverain et son pays. S’il eût été assez malheureux pour tomber entre les mains des Russes, plutôt que d’accepter la liberté sur parole, il n’y a aucun doute qu’il n’eût, au mépris de l’emprisonnement et de la mort, tenté quelque chose contre l’ennemi de son pays. L’esprit qui animait le commandant Hirose représente exactement l’esprit Bushido de notre armée et de notre marine.

« Tous nos hommes devant l’ennemi, nous en sommes sûrs, au cas d’une défaite, seraient unanimes dans leur refus d’accepter la liberté sous de telles conditions. Même dans la marine chinoise, si poltronne, l’amiral Fing prit sur lui la responsabilité de sa défaite, en se suicidant, pour en épargner le blâme à ses officiers et à ses marins.

« Si le code d’honneur militaire russe peut acquitter le général Stoessel, celui du Japon ne le ferait jamais à l’égard d’un de nos officiers dans les mêmes circonstances. Le Bushido du Japon ne pardonnerait jamais à un officier qui aurait fait ce que Stoessel a fait. C’est peut-être un tort de critiquer ce général au point de vue de notre Bushido, car, pour le juger, nous devons prendre en considération les mœurs et les coutumes de son pays. Mais nos officiers et nos soldats n’oublieront jamais qu’ils doivent se conduire selon les principes du Bushido. »

Le baron Suyematsu, l’éminent collaborateur de La Revue, dans un remarquable essai sur le rôle du hara-kiri dans le Bushido, défend éloquemment cette idée de suicide chez les Japonais, dans le cas d’un déshonneur à éviter, un ami à sauver, ou un acte d’expiation. Les exemples de gentilhommes dans l’histoire japonaise, qui ont ainsi sacrifié leur vie pour les raisons les plus honorables, sont plus frappants que les plus fameux cas de l’Occident, tels que ceux de Socrate, Caton, Brutus, Pétrone ou Sénèque. L’auteur fait remarquer que ce n’est pas le Japonais seul qui regarde la mort comme l’unique expiation du déshonneur. Le Dr. Nitobé, aussi, nous montre, dans le chapitre qu’il a consacré au hara-kiri, que, dans la littérature de l’Occident, on trouve des passages analogues à ces vers d’un poète célèbre :


« Quand l’honneur est perdu, il vaut mieux mourir.
La mort est le seul salut de la honte. »


C’est un Samurai, sans aucun doute, qui a dit ceci : « Personne ne devrait survivre à la honte, car la honte est comme une plaie sur un arbre, s’étendant toujours de plus en plus, et de plus en plus laide avec le temps. »

Cependant, il n’était pas honorable pour un Samurai de chercher la mort sans nécessité. Dans un des contes favoris du Japon, on parle d’un guerrier, qui, ayant éprouvé défaites sur défaites,