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qu’il en donne. Car entre toutes les inexactitudes qu’il signale, deux ou trois à peine sont de mon fait, et motivées par mon désir de mettre mieux la pensée de l’auteur à la portée du public français ; toutes les autres sont simplement conformes à la première version, manuscrite, du comte Tolstoï, que j’ai bien été forcé de suivre, n’en ayant point d’autre. Je tiens à la disposition de votre collaborateur, et de vos lecteurs, les manuscrits sur lesquels j’ai fait ma traduction : on y verra que les additions, observations, etc., qui me sont reprochés comme ridicules, ou contraires au texte, sont simplement des variantes de l’auteur ; et j’ajoute qu’elles sont tout à fait insignifiantes, tant au point de vue de la quantité que de la qualité.

Le seul tort de la direction de l’Écho de Paris est donc, en fin de compte, d’avoir publié une traduction que votre collaborateur estime « incohérente et terne ». Mais c’est de quoi, raisonnablement, on ne saurait faire un crime ni à ce journal, ni à l’éditeur qui a ensuite consenti à publier une traduction revue, remaniée, allégée, toute différente de la traduction complète qu’avait publié l’Écho de Paris. Des défauts littéraires de ma traduction, de ce qu’elle a d’« incohérent », de « terne » et de « ridicule », toute la faute est à moi seul : et là-dessus chacun est libre d’avoir son avis.

Que si, après cela, les observations de votre collaborateur faisaient surgir de terre, un de ces jours, une nouvelle traduction du roman, plus complète que la mienne, et plus littérale, personne ne s’en réjouirait plus sincèrement que moi. J’ai en effet la certitude qu’une œuvre telle que Résurrection s’accommode fort bien d’être présentée au public français sous la double forme d’une traduction libre et d’une traduction littérale. Je n’ai point dit, par exemple, dans ma traduction, que l’un des soldats qui conduisaient la Maslova était de Nijni-Novgorod, et que l’autre était un Tchouvache ; mais j’admets parfaitement qu’une autre traduction le dise, puisque le comte de Tolstoï le dit dans son texte. Et cette traduction absolument complète du roman serait à mon avis d’autant plus bienvenue que j’ai, de mon côté, l’intention d’en publier bientôt une traduction abrégée, populaire, décidé à répandre dans la foule, sinon le texte complet du comte Tolstoï, du moins la grande pensée morale qui fait le fond de son œuvre.

Veuillez, Monsieur le Directeur, recevoir l’assurance de ma plus sincère considération.

T. de Wyzewa

Paris, le 3 mai.



II
À M. Teodor de Wyzewa


Monsieur,

C’est l’Écho de Paris que votre lettre met hors de cause. En toute sincérité, j’aurais préféré que ce fût vous. J’avoue que je ne prends pas le soin de collectionner les feuilletons de journaux et que j’avais cru trouver dans votre volume le texte intégral de la traduction publiée par l’Écho de Paris.

Mais parlons de vous puisqu’il ne peut s’agir que de vous. Suivant votre exemple, je me tairai sur les négligences et les inexactitudes que j’ai signalées dans mon article et que vous devez sans doute à l’heure qu’il est regretter aussi vivement que moi. Mais puisque vous préparez une nouvelle édition permettez-moi de vous avertir que je n’ai pas épuisé — oh ! mon Dieu, non — la