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Page:La Revue blanche, t29, 1902.djvu/367

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devient de jour en jour plus défectueuse, c’est-à-dire plus embarrassée et plus confuse. »

Et plus loin (p. 58) :

« Je le répète, plus nos collections s’enrichissent, plus nous rencontrons des preuves que tout est plus ou moins nuancé, que les différences remarquables s’évanouissent, et que le plus souvent la nature ne laisse à notre disposition pour établir des distinctions, que des particularités minutieuses et, en quelque sorte, puériles. »

Cette idée de la continuité des formes de la nature organisée se retrouve à chaque pas dans l’œuvre de Lamarck. C’est, pour ainsi dire, le leit motiv de la philosophie zoologique. C’est d’elle qu’est né le transformisme car, remarquez-le bien, Lamarck a eu la notion de la transformation des espèces sans avoir jamais vu une espèce varier. Au contraire, et dès le début, il a rencontré des semblants de preuves contre la variabilité. À propos des collections rapportées d’Égypte par Geoffroy-Saint-Hilaire, fut publié un rapport [1] dont voici quelques extraits :

« La collection a d’abord cela de particulier, qu’on peut dire qu’elle contient des animaux de tous les siècles. Depuis longtemps on désirait de savoir si les espèces changent de forme par la suite des temps. Cette question, futile en apparence, est cependant essentielle à l’histoire du globe, et par suite à la solution de mille autres questions qui ne sont pas étrangères aux plus graves objets de la vénération humaine.

« Jamais on ne fut mieux à portée de le décider pour un grand nombre d’espèces remarquables et pour plusieurs milliers d’autres. Il semble que la superstition des anciens Égyptiens ait été inspirée par la nature, dans la vue de laisser un monument de son histoire…

« On ne peut maîtriser les élans de son imagination lorsqu’on voit encore, conservé avec ses moindres os, ses moindres poils, et parfaitement reconnaissable, tel animal qui avait, il y a deux ou trois mille ans, dans Thèbes ou dans Memphis, des prêtres et des autels. Mais sans nous égarer dans toutes les idées que ce rapprochement fait naître, bornons-nous à voir exposer qu’il résulte de cette partie de la collection de M. Geoffroy, que ces animaux sont parfaitement semblables à ceux d’aujourd’hui. »

Il y avait là de quoi troubler un savant moins solidement convaincu que Lamarck ; cette objection au contraire, loin de lui faire adopter la théorie de la fixité des espèces, l’a seulement amené à d’admirables considérations sur l’antiquité réelle du monde (p. 70) :

« Les oiseaux que les Égyptiens ont adorés et embaumés il y a deux ou trois mille ans, sont encore en tout semblables à ceux qui vivent actuellement dans ce pays.

« Il serait assurément bien singulier que cela fût autrement ; car la

  1. Annales du Muséum d’Histoire naturelle. Vol. I, pp. 235-236.