Page:La Revue blanche, t29, 1902.djvu/366

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non seulement contre la croyance à la fixité des espèces, mais encore contre la tournure anthropomorphique des esprits ; outre le transformisme, il a créé la véritable méthode naturelle en biologie :

« Je fus convaincu que c’était uniquement dans la plus simple de toutes les organisations qu’on pouvait trouver les moyens propres à donner la solution d’un problème aussi difficile… Les conditions nécessaires à l’existence de la vie se trouvant complètes dans l’organisation la moins composée, mais aussi réduites à leur plus simple terme ; il s’agissait de savoir comment cette organisation, par des causes de changements quelconques, avait pu en amener d’autres moins simples et donner lieu aux organisations, graduellement plus compliquées, que l’on observe dans l’étendue de l’échelle animale. » (Avertissement p, iv).

Ainsi donc, la gradation progressive est substituée à la dégradation des formes vivantes. C’est peut-être la notion la plus féconde de l’œuvre de Lamarck ; du moins, cette notion était-elle nécessaire pour rendre féconde la croyance nouvelle à la variabilité de l’espèce ; voici le passage où cette nouvelle croyance est exposée (p. 54) :

« On appelle espèce, toute collection d’individus semblables qui furent produits par d’autres individus pareils à eux.

« Cette définition est exacte ; car tout individu jouissant de la vie, ressemble toujours, à très peu près, à celui ou à ceux dont il provient. Mais on ajoute à cette définition, la supposition que les individus qui composent une espèce ne varient jamais dans leur caractère spécifique, et que, conséquemment, l’espèce a une constance absolue dans la nature.

« C’est uniquement cette supposition que je me propose de combattre, parce que des preuves évidentes obtenues par l’observation, constatent qu’elle n’est pas fondée.

« La supposition presque généralement admise, que les corps vivants constituent des espèces constamment distinctes par des caractères invariables, et que l’existence de ces espèces est aussi ancienne que celle de la nature même, fut établie dans un temps où l’on n’avait pas suffisamment observé et où les sciences naturelles étaient encore à peu près nulles. Elle est tous les jours démentie aux yeux de ceux qui ont beaucoup vu, qui ont longtemps suivi la nature, et qui ont consulté avec fruit les grandes et riches collections de nos Muséum.

« Aussi tous ceux qui se sont fortement occupés de l’étude de l’histoire naturelle savent que maintenant les naturalistes sont extrêmement embarrassés pour déterminer les objets qu’ils doivent regarder comme des espèces. En effet, ne sachant pas que les espèces n’ont réellement qu’une constance relative à la durée des circonstances dans lesquelles se sont trouvés tous les individus qui les représentent, et que, certains de ces individus ayant varié, constituent des races qui se nuancent avec ceux de quelque autre espèce voisine, les naturalistes se décident arbitrairement, en donnant les uns comme variétés, les autres comme espèces des individus observés en différents pays et dans diverses situations. Il en résulte que la partie du travail qui concerne la détermination des espèces