Page:La Revue blanche, t30, 1903.djvu/165

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torales et aux bulletins de vote. Ils devinrent dès lors suspects aux professionnels de la politique, ils ne purent compter sur aucun appui de la part des tyrans locaux qu’on appelle en Andalousie Caciques.

Ils n’y a pas que les caciques politiques, il y a d’autres caciques qui doivent leur position à leur fortune ; c’est ceux-là qui faisaient peser sur les habitants le joug le plus lourd. Pour s’en affranchir ou du moins le rendre moins pesant, les Andalous eurent recours à l’association, formèrent des syndicats, qui ne tardèrent pas à se fondre dans la Fédération des travailleurs de la région espagnole. Cette Fédération tint un congrès à Séville, elle fit connaître qu’elle comptait 59 711 adhérents répartis en 10 comarcas ou fédérations provinciales. Sur ce nombre les deux comarcas andalouses comptaient 30 000 fédérés. Ces fédérations ne conservaient guère d’espoir qu’en une transformation du régime de la propriété, car à toutes les revendications, à toutes les demandes d’augmentation de salaires, les détenteurs du sol avaient répondu par un refus brutal. Les menaces de grève avaient provoqué les fusillades de la garde civile. L’année de république (1873-74) n’avait été signalée que par des déportations en masse et la fermeture de nombreux cercles ouvriers. La fédération espagnole adhéra à l’Internationale ; les plus instruits des ouvriers prêchèrent à la masse la doctrine communiste anarchiste. Si tous n’en concevaient pas d’une façon bien nette ou n’en admettaient pas toutes les conséquences, tous du moins sentaient le besoin d’une étiquette sous laquelle grouper leurs communes aspirations. Il ne faut pas oublier que la première, la plus essentielle de ces aspirations était de vivre. Une prétention aussi excessive ne pouvait manquer de choquer la classe des possédants et des dirigeants. L’Internationale fut déclarée dissoute, mais on ne pouvait dissoudre la Fédération régionale, association parfaitement légale, et dans la lutte entre les prolétaires organisés et l’élément patronal, les premiers manifestaient assez de méthode et de décision pour donner de l’inquiétude au second. Et aux forces judiciaires et militaires qui ne demandaient qu’à se montrer, la fédération donnait peu de prise. Les affiliés taisaient les noms de leurs compagnons, leur action s’exerçant surtout par des causeries, des conférences ; réunions que de temps à autre on dispersait brutalement, mais sans trouver le prétexte à ces exécutions retentissantes, à ces coupes sombres qui auraient pour longtemps terrifié la masse des travailleurs agricoles. Juges et propriétaires cherchaient des expédients, ce fut le commandant rural, chef de la gendarmerie de Jerez de la Frontera, don Tomas Perez Mon-