Page:La Revue blanche, t30, 1903.djvu/280

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de destruction. Depuis quinze ou dix-huit ans qu’il est fait usage de ce filet les chevrettes ont bien diminué. L’opinion générale est que le chalut devrait être interdit et remplacé par le casier, qui permettrait aux pêcheurs de ne prendre que la chevrette marchande en laissant vivre les petits.

Mais si le chalut à chevrettes est dangereux pour l’avenir de la pêche, l’emploi du filet conique ou « filet normand » autorisé en Normandie par le décret de 1853, et qui est prohibé dans d’autres régions, n’est pas moins funeste. Les chalutiers à vapeur en font un usage fréquent. Ses mailles ont plus de 0 m. 025 ; mais, par suite de la forme de l’engin, elles restent fermées à la pointe et constituent un engin serré, que des pièces superposées, partant de l’embarquement pour protéger le filet contre l’usure, resserrent encore davantage. Le fond n’est plus un crible ; c’est une poche qui ne laisse rien échapper et au fond de laquelle le fretin s’amasse avec la boue, le goémon, les coquilles, etc., qui l’écrasent sous leur poids. C’est à pleines pelles que l’on rejette des détritus mêlés de poissons.

On voit donc que le filet à chevrette et le filet normand conique sont des engins destructeurs du frai et du petit poisson et contribuent par conséquent à raréfier les produits de la pêche. Néanmoins les chalutiers à vapeur avec leurs filets perfectionnés sont les plus destructeurs de tous. M. Maraud déclarait dans son rapport :

Les chalutiers à vapeur ont trois avantages principaux sur nos bateaux à voiles : le calme ne les arrête ni ne les retarde, ils peuvent sillonner en tous sens les lieux de pêche, ils ont enfin la facilité d’atteindre les ports et les lieux de pêche en peu de temps et malgré les vents contraires. Malgré cela plusieurs compagnies ont été obligées de cesser une industrie qui leur causait plus de perte qu’elle ne leur rapportait de bénéfices. Mais les Compagnies actuelles ont adopté un filet à panneau, dit olter-trawl, beaucoup plus destructeur que le chalut dont se servent nos marins et dont se servaient primitivement les chalutiers à vapeur. Grâce à la vitesse que peuvent acquérir ces chalutiers, ce filet se développe sur une étendue considérable, détruisant des quantités prodigieuses de poissons. Déjà les bateaux anglais et espagnols ont dû épuiser les côtes de leurs pays, puisqu’ils viennent pêcher dans nos parages ; si nous ne prenons des mesures protectrices, nos fonds seront bientôt complètement nus.

La pêche pratiquée au moyen des chalutiers à vapeur constitue un progrès je n’en disconviens pas : je comprends même que tout pêcheur soit libre d’employer n’importe quel engin pour pêcher dans les eaux internationales. Il n’en est pas moins vrai que la substitution des chalutiers à vapeur aux bateaux à voiles laisserait sans ressources des