Page:La Revue blanche, t30, 1903.djvu/61

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gistre des mots et voilà tout ; mais plus tard il tiendra à ces mots appris de bonne heure et arrivera à croire qu’ils représentent quelque chose.

» Si les professeurs de catéchisme croyaient à la logique de leur enseignement, ils demanderaient comme les professeurs de mathématiques ou de physique, que cet enseignement ne se fît pas à un âge trop tendre. Ils seraient bien plus fiers, me semble-t-il, de discuter leur doctrine avec des jeunes gens déjà mûrs et sachant raisonner. Mais voilà, ils ne sont pas sûrs de les convaincre, tandis qu’en les prenant au berceau…

» Ils ne manqueront pas d’ailleurs de répondre à ceci, que s’ils tiennent à instruire l’enfance, c’est pour qu’on ne lui inculque pas de bonne heure des notion contraires au dogme et qui la rendront plus tard réfractaire à tout enseignement dogmatique. Mais autre chose est d’apprendre des choses contraires au dogme ou simplement de ne pas apprendre le dogme. On n’apprendrait pas à l’enfant qu’il n’y a pas de Dieu, ce qui d’ailleurs serait inutile, personne ne lui ayant encore dit qu’il y en a un ; on lui apprendrait seulement des faits ; pas de théorie ; on lui montrerait les relations de cause à effet et on consoliderait ainsi la logique innée de son cerveau. Si cela est contraire au dogme, tant pis pour le dogme ; si l’enseignement du dogme doit nuire à la logique de l’individu, défendons la logique. Et quand l’enfant sera devenu grand, si malgré cette instruction saine il a des démangeaisons métaphysiques, personne ne l’empêchera de divaguer tant qu’il le voudra. Voilà la vraie liberté d’enseignement, car elle laisse entier ce qui est plus précieux que les passions de parti, la liberté de l’enfant.

— Vous n’y êtes pas du tout, dit le docteur en riant, car vous oubliez que les vérités éternelles de la religion sont immédiatement accessibles aux bébés. J’ai entendu demander à un poupon de deux jours qu’on baptisait : « Charlotte, renoncez-vous à Satan ? » Et le vicaire qui disait cela gardait son sérieux. Moi aussi j’ai gardé le mien par respect de l’erreur des parents ; mais j’ai eu de la peine.

» Non, voyez-vous ; tous les raisonnements ne serviront de rien dans l’effort que font les hommes pour se délivrer de l’emprise du clergé. La société humaine devrait être une association de tous les hommes contre les éléments et les autres animaux ; les curés font une société à part dans la société humaine ; que dis-je ils sont ligués contre elle ? Le but des hommes est de travailler au bonheur des hommes ; les jésuites, au contraire, travaillent à « la plus grande gloire de Dieu » et ce Dieu qu’ils ont imaginé est