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intéressant sans doute, mais dans lequel il serait téméraire de vouloir retrouver les caractères précis de la philosophie grecque à ses grandes époques. « Il faut (pour atteindre l’Un) dit Plotin, renoncer à la science, aux objets de la science et à tout autre spectacle, même à celui du Beau ».

Le Néoplatonisme est une théosophie plus qu’une philosophie. Et dans cet essai de marquer les traits vraiment distinctifs de la pensée grecque, nous ne nous occuperons que des deux premières périodes.

Ce qui frappe tout d’abord dans le problème philosophique tel que se le sont posé les Grecs, c’est son caractère d’universalité. Que ce soit une explication de l’être et de la substance, comme dans la première période, ou que les seuls principes de la raison servent à expliquer l’homme et le monde, c’est toujours un effort pour réduire à l’unité les éléments si divers de la Nature, au sens le plus large de ce mot. Les sciences ne sont pas envisagées en elles-mêmes, mais comme formant les parties d’un tout. On ne s’attache pas à agrandir le domaine de chaque science, en ne voyant qu’elle seule ; toujours règnent les hautes préoccupations de la synthèse des sciences particulières. Cela est surtout vrai d’Aristote et si l’on peut citer des spécialistes parmi ses disciples — Théophraste, Eudème — il faut remarquer que chez ceux-là les préoccupations métaphysiques tiennent peu de place. — Chez les écoles qui ne tendent qu’à établir une morale, la morale ne peut se constituer seule et vivre par elle-même ; la science de l’Univers reste nécessaire aux Stoïciens comme aux Épicuriens. Par là ces spéculations toutes pratiques sur le Souverain Bien gardent un caractère d’universalité plus nettement accusé encore chez des philosophes tels que Platon et Aristote. Chaque système est un effort pour marquer les mutuels rapports entre l’homme et la nature ; il n’y a pas simplement total de toutes les sciences, mais synthèse. On peut ainsi appliquer à la philosophie grecque dans son ensemble ce mot d’Aristote : Elle est la science des causes et des principes.

Cependant ce caractère ne suffit pas à distinguer la philo-