Page:La Revue blanche, t11, 1896.djvu/492

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les paralipomènes d’Ubu

Ubu devant être incessamment manifesté à la foule, qui ne le comprendra pas, et à quelques amis qui ont l’indulgence de le connaître, il serait peut-être utile, pour ceux-ci au moins, de l’expliquer par son passé, afin de liquider entièrement ce bonhomme.

Ce n’est pas exactement Monsieur Thiers, ni le bourgeois, ni le mufle : ce serait plutôt l’anarchiste parfait, avec ceci qui empêche que nous devenions jamais l’anarchiste parfait, que c’est un homme, d’où couardise, saleté, laideur, etc.

Des trois âmes que distingue Platon : de la tête, du cœur et de la gidouille, cette dernière seule, en lui, n’est pas embryonnaire.

Une pièce ancienne l’a glorifié (les Cornes du P. U., où Madame Ubu accouche d’un archéoptéryx), qui a été jouée en ombres, et dont la scène est l’intérieur de cette gidouille. L’Épithumia d’Ubu y errait, comme l’âme de ce cerveau.

Je ne sais pas ce que veut dire le nom d’Ubu, qui est la déformation en plus éternel du nom de son accidentel prototype encore vivant : Ybex peut-être, le Vautour. Mais ceci n’est qu’une des scènes de son rôle.

S’il ressemble à un animal, il a surtout la face porcine, le nez semblable à la mâchoire supérieure du crocodile, et l’ensemble de son caparaçonnage de carton le fait en tout le frère de la bête marine la plus esthétiquement horrible, la limule.

Cette pièce ayant été écrite par un enfant, il convient de signaler, si quelques-uns y prêtent attention, le principe de synthèse que trouve l’enfaut créateur en ses professeurs.

A.-F. Herold, enfant aussi, glorifia de même sorte, en un drame jamais publié, la Forêt Vierge, Don Brusquul, prince de Bornéo :


« Don Brusquul, lisant. — Le Temps… (Ici une date qu’on trouvera dans Larousse). Dernières dépêches de la nuit, de la nuit. Ferdinand le Catholique, le Catholique, vient de s’emparer de Grenade. Cette conquête met fin à la domination de l’islamisme, de l’islamisme dans la Péninsule ibérique. »


Les gestes d’Ubu ont tous été joués en marionnettes, lesquelles sont conservées au théâtre de l’Œuvre, mais les manuscrits des plus anciennes pièces ubuesques, n’étant pas de très grande importance pour l’auteur, n’ont pas été intégralement conservés.

Ils chantent que les études de Monsieur Ubu, comte de Saint-Romain, furent faites au séminaire de Saint-Sulpice (cette première pièce est calquée sur Manon Lescaut) où il fut conduit par son chapelain Frère Tiberge, semblable aux Fray Ambrosio de Gustave Aymard. Ubu passe « insuffisamment » son