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Page:La Revue blanche, t11, 1896.djvu/495

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la revue blanche

On s’ précipite en foule à la barrière,
On s’ fich’ des coups pour être au premier rang ;
Moi je m’ mettais toujours sur un tas d’ pierres
Pour pas salir mes godillots dans l’ sang.
Voyez, voyez la machin’ tourner,
Voyez, voyez la cervell’ sauter ;
Voyez, voyez les rentiers trembler ;

(Chœur) : Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu !

Bientôt ma femme et moi nous somm’s tout blancs d’cervelle,
Les marmots en boulott’nt et tous nous trépignons
En voyant l’ Palotin qui brandit sa lumelle,
Et les blessur’s et les numéros d’plomb. —
Soudain j’ perçois dans l’ coin, près d’ la machine,
La gueul’ d’un bonz’ qui n’ m’ revient qu’à moitié.
Mon vieux, que j’ dis, je r’connais ta bobine,
Tu m’as volé, c’est pas moi qui l’ plaindrai.
Voyez, voyez la machin’ tourner,
Voyez, voyez la cervell’ sauter,
Voyez, voyez les rentiers trembler ;

(Chœur) : Hourra, cornes-au-cul, vive le père Ubu !

Soudain j’me sens tirer la manch’ par mon épouse :
Espèc’ d’andouille, qu’ell’ m’ dit, v’là l’ moment d’ le montrer :
Flanque-lui par ta gueule un bon gros paquet d’bouse,
Vlà l’ Palotin qu’a just’ le dos tourné. —
En entendant ce raisonn’ment superbe,
J’attrap’ sus l’ coup mon courage à deux mains :
J’ flanque au rentier une gigantesque merdre
Qui s’aplatit sur l’ nez du Palotin.
Voyez, voyez la machin’ tourner,
Voyez, voyez la cervell’ sauter,
Voyez, voyez les rentiers trembler,

(Chœur) : Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu !

Aussitôt j’suis lancé par-dessus la barrière,
Par la foule en fureur je me vois bousculé
Et y suis précipité la tête la première
Dans l’ grand trou noir d’ous qu’on n’revient jamais. —
Voilà c’ que c’est qu’ d’aller s’ promener l’ dimanche
Ru ’d’ l’Échaudé pour voir décerveler,
Marcher l’ Pinc’-Porc ou bien l’ Démanch’-Comanche,
On part vivant et l’on revient tudé.
Voyez, voyez la machin’ tourner,
Voyez, voyez la cervell’ sauter,
Voyez, voyez les rentiers trembler ;

(Chœur) : Hourra, cornes-au-cul, vive le Père Ubu !

Scène du Savatier.
SCYTOTOMILLE, MONCRIF, ACHRAS

Moncrif. — Sire savatier, les chiens à bas de laine ayant dénudé mes pieds de leurs enveloppes, j’impètre de vous des chaussures.

Scytotomille. — Voici, Monsieur, un excellent article, la spécialité de la maison, les Écrase-merdres. De même qu’il y a différentes espèces de merdres, il y a des écrase-merdres pour la pluralité des goûts. Voici pour les estrons récents ; voici pour le crottin de cheval ; voici pour le méconium d’enfant au berceau voici pour le fiant de gendarme ; voici