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M. Ernest Daudet

L’auteur d’un livre aujourd’hui introuvable, l’Agonie de la Commune, et de Souvenirs parus dans la Revue hebdomadaire sous le titre : Jours passés.

Je considère l’insurrection de 1871 comme un crime abominable, — un crime de lèse-patrie — encore que je ne tienne pas pour également criminels tous ceux qui y prirent part.

Il serait très injuste, en effet, de confondre en un même anathème les pauvres diables que l’oisiveté, la misère, les furieuses exaltations du siège avaient jetés dans le mouvement insurrectionnel et les ambitieux dont les conseils et les exemples l’avaient provoqué ; les soldats crédules ou naïfs qu’avaient trompés et fanatisés de longues excitations à la haine et au mépris de toutes organisations sociales, ceux qui cherchaient de bonne foi à réaliser un irréalisable idéal de félicité humaine et les chefs, écrivains et tribuns, qui durant ces dix semaines de sanglantes folies, se firent artisans de mensonge, apologistes du vol, de l’incendie, du pillage, de l’assassinat et les mirent en pratique quand se termina cette sinistre aventure.

Je n’ai joué aucun rôle durant la Commune. Comme la plupart des Parisiens et jusqu’au jour où il me fut possible de m’enfuir, je vécus dans Paris, ainsi qu’un opprimé et un proscrit. Mais j’en ai assez vu pour me croire en droit d’affirmer qu’il n’y eut au sommet du gouvernement insurrectionnel ni conception grandiose, ni nobles visées, ni vues d’ensemble sur l’avenir.

Je ne pense rien de son organisation. On ne peut émettre aucun jugement sur ce qui n’a pas existé. Nulle part, par aucun côté, à aucun jour de son histoire, la Commune ne se montra organisée.

Parlementairement, elle n’a donné ni un orateur, ni une idée généreuse. On y a épuisé toutes les banalités d’une rhétorique pompeuse et boursouflée, imitée des temps de la Convention. Mais, ces belles phrases n’étaient que des phrases : les incendiaires et les massacreurs parlaient peu.

Militairement, la Commune ne peut se vanter d’aucun épisode glorieux. Les rapports de Rossel et de Dombrowski sont accablants pour les légions dont ils eurent le commandement. C’étaient des bandes sans cohésion qui lâchaient pied au premier choc avec l’ennemi et qui ne déployèrent d’énergie pour la résistance qu’à l’entrée des Versaillais dans Paris et quand elles eurent à défendre la barricade.

Financièrement, l’insurrection n’a pas d’histoire ou plutôt son histoire n’a qu’un seul chapitre, celui des efforts qui furent faits pour mettre la main sur la Banque de France, efforts que déjouèrent l’habileté des administrateurs de cet établissement restés à Paris et l’honnêteté du vieux Beslay, délégué de la Commune. La tâche des financiers de l’insurrection se bornera à trouver tous les jours la somme nécessaire au payement de la garde nationale. Il n’y fallut