Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/267

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dans une assemblée délibérante. Ceux-ci étaient Jacobins, ceux-là fédéralistes et ceux-là internationaux. Ne cherchez pas dans les actes du Gouvernement qu’ils improvisèrent, une ligne politique suivie, un plan quelconque arrêté. Ils tentèrent des choses diverses et sans lien entre elles. Leurs décisions, d’ailleurs, n’avaient pas de sanction. Personne ne leur obéissait : pas même la Garde Nationale. Si quelques-uns eurent de l’autorité, ce fut une autorité toute personnelle qu’ils devaient à leur nom, à leur popularité, à leur audace ou à leurs services plus qu’à leurs titres et à leurs fonctions.

On essaya bien d’organiser l’armée, les finances, l’administration mais ce furent là des tentatives partielles. D’organisation générale, sérieuse, il n’y en eut pas et il ne put pas y en avoir. L’action militaire elle-même ne devait pas être réglée. Le commandement flottait de l’un à l’autre. Les Généraux passaient continuellement de la prison au champ de bataille et du champ de bataille à la prison.

Quant à votre dernière question elle est infiniment plus difficile à résoudre et plus complexe. Vous me demandez quelle influence l’aventure communaliste a pu avoir sur les événements et les idées. Cette influence a produit des résultats très divers. Je n’en retiendrai que deux, l’un politique, l’autre économique, parce qu’ils sont les plus saillants d’abord et parce qu’ensuite je ne puis allonger outre mesure, cette lettre déjà trop longue.

Au point de vue politique — le fait a passé trop inaperçu des historiens — l’aventure communaliste a eu pour effet de rallier à la forme républicaine, un grand nombre de députés et d’hommes d’affaires qui, sans elle, auraient accepté et peut-être désiré une restauration Orléaniste ou Légitimiste. Ce fut là une des combinaisons les plus savantes, sinon les plus irréprochables de M. Thiers qui fit servir à la consolidation du régime qu’il voulait établir en France, des événements propres, en apparence, à le renverser. Ce qu’on reprochait alors violemment à la République, dans certaines classes et dans certains milieux — surtout dans le milieu où évoluait M. Thiers — c’était d’être un gouvernement faible toujours obligé de compter avec l’émeute ; toujours contraint de céder à la violence populaire, qui n’assurait à la bourgeoisie, à l’industrie, au commerce, au travail national même ni paix, ni sécurité. En se réfugiant à Versailles, en laissant la Commune se former tranquillement, en organisant méthodiquement le siège de Paris qu’il avait projeté toute sa vie, enfin en écrasant la plus formidable insurrection dont l’histoire du Monde fasse mention, M. Thiers démontra à ses amis et à ses clients que la République pouvait être un gouvernement fort, plus capable de « rétablir l’ordre » qu’aucune Monarchie passée ou présente. Il rétorqua, ainsi les arguments de ses adversaires et, à leurs déclamations, il répondit par un fait.

Ce qui le servit tout autant, peut-être, ce fut l’indifférence presqu’absolue de la France en présence des incendies et des fusillades de la catastrophe finale. Tandis qu’en Juin 1848, les Gardes Nationales de Province, courant au secours du Gouvernement, s’étaient toutes