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M. Louis Andrieux
qui depuis fut député, préfet de police, ambassadeur.

Procureur de la République à Lyon, au temps qui fait l’objet de votre enquête, sortant de mon rôle qui était de requérir au nom de la loi contre les insurgés, j’ai combattu l’insurrection dans la rue à côté de Valentin, alors préfet du Rhône.

C’est vous dire que j’ai aperçu la Commune dans la fumée du canon, à la lueur des incendies ; que je l’ai jugée avec la passion du combattant et qu’après vingt-six ans, n’étant pas encore sûr d’en parler avec impartialité, je préfère laisser à d’autres le soin d’apprécier les hommes et les événements sur lesquels vous me faites l’honneur de m’interroger.

Un insurgé lyonnais

Mon rôle, du 4 Septembre au 22 mars, a été celui d’un ardent propagateur de la révolution, prêchant à l’atelier, me mêlant à tous les mouvements, toutes les petites émeutes qui eurent lieu entre ces deux dates : cette attitude me valut d’être nommé membre de la Commune de Lyon ; instinctivement, par intuition plutôt que par raisonnement, je sentais que je commettais un illogisme en prêchant la liberté et acceptant d’être un nouveau maître ; mais comment refuser sans passer pour lâche ? il y avait danger et j’ai accepté. Je m’en suis toujours voulu depuis, quoiqu’à cette époque je fusse de ceux qui croyaient qu’avec un pouvoir révolutionnaire on pouvait faire quelque chose. Je n’avais pas encore compris que si la Révolution n’est pas faite dans les esprits, elle n’est pas possible dans les faits, et que par suite si elle est faite et passée dans les idées, il devient inutile de nommer un pouvoir pour la faire aboutir : cela était tellement logique que je n’y avais pas songé.

À la Commune, mon rôle a été celui que tout gouvernant peut avoir : absolument inutile quand il n’est pas nuisible. Délégué aux travaux publics ce qui m’a presque valu une délégation aux travaux forcés, je pensais qu’il serait facile de balayer la réaction versaillaise, représentée par les Andrieux, les Barodet, les Gailleton, les Perret et autres Le Royer, lesquels ont bien été récompensés depuis, de leur attitude à cette époque. Je croyais qu’il suffirait d’appeler le peuple qui venait de nous donner le mandat de ce nettoyage pour qu’il vînt à la rescousse, mais lui de son côté pensait