Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/453

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par Verlaine, dans Les hommes d’aujourd’hui ; à la notice aussi des Poètes maudits


Donc, d’octobre 1871 à juillet 1872, Rimbaud demeura dans Paris. Puis, jusqu’en août 1873, ce fut la Belgique, l’Angleterre, et la Belgique ; en compagnie de son ami[1].

Après le drame de Bruxelles, il avait été admis à l’hôpital Saint-Jean de cette ville. C’est là que la Justice brabançonne vint recueillir sa déposition, pour le procès criminel ; déposition qui fut en faveur de l’arrêté, naturellement et à ce point que, sans attendre la guérison du blessé, le gouvernement belge l’expulsa de l’hôpital et de son territoire.

Voyelles, Les Chercheuses de Poux, Les Corbeaux, Poison perdu, Patience, Jeune Ménage, Mémoire. Fêtes de la Faim. figurant aux « Poésies complètes » et à quoi, évidemment, se remorquent les préoccupations d’affranchissement prosodique actuelles, sont de cette période d’amitié avec Verlaine ; lequel, dans le même temps, ne l’oublions pas, faisait les Romances sans paroles. Toute la prose publiée de Rimbaud, aussi, date d’alors : Les Illuminations, puis Une Saison en Enfer.

De la frontière belge, l’expulsé rejoignit à pied sa famille, qui se trouvait, pour la moisson, dans une ferme lui appartenant, à Roche. C’est de là que, après en avoir, disons-nous, revu les feuillets produits au bonheurdes répits de l’aventure, il fit imprimer Une Saison en Enfer, cette seule plaquette pour laquelle il ait donné un bon à tirer et dont il doit détruire, aussitôt parue, l’édition, au total presque des exemplaires ; cela, pour des raisons dont la moindre est la mauvaise mise en page de la brochure. On connaît, par la réimpression sur un exemplaire dédié clandestinement à Verlaine, cet énorme petit livre au style strict et incisif comme une lame rougie à blanc, peuplé de rires mortels et de visions prophétiques, où pas une phrase n’est sans élixir ou acide ; maléfice d’ouragan, sortilège torrentiel, sorte d’engin alchimique placé au foyer du monde passionnel ; revendication terrible d’une divinité déchue. Il s’était plaint, peu auparavant, dans Les Illuminations :


Oisive jeunesse
À tout asservie,
Par délicatesse
J’ai perdu ma vie.


Inutile, puéril, ce remords du passé ! — trouve-t-il. Il le supprime, et corrige, pour Une Saison en Enfer.

  1. Voir La revue blanche du 15 février 1896. Verlaine héroïque.