Page:La Revue blanche, t12, 1897.djvu/471

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

phénoménale. Sans rien connaître de la physique, de la chimie, de la mathématique, de la cosmographie que les rudiments appris au collège, je vois se révéler l’évidence de phénomènes, de lois, de formules, de calculs, de solutions. Entre les autres et moi-même une endosmose de savoir se continue. Aux yeux et aux sourires, autant qu’aux paroles, je lis la certitude qu’il convient d’acquérir. Et je me rue avec la foule à la chasse de la vérité, nul ne résiste à cet entraînement.

« — Voilà, voilà… je vous aime, m’a dit Pythie, ce matin. Vous venez d’éclairer les raisons de rythmes qui règlent la formation de la substance dans l’éther impondérable. Et mon esprit épouse le vôtre, l’adore en admiration… O cher amant, cher amant… qui faites paraître la force de votre intelligence ; vous avez compris les émois du monde, les motifs de sa genèse ; et la création palpite sur vos lèvres disertes… Tenez voici mon corps, aussi, par surcroît, mes mains, ma gorge et ma bouche, et le reste de moi… »

Nous eûmes une étreinte de dieux…

Théa ne nous a point suivis jusque cette ville de Mercure. Elle est repartie pour Jupiter où son office l’appelait. Nous marchons seuls, Pythie et moi, parmi les miracles de la cité savante.

Pythie est pleine de charme. Elle va, légère et magnifique, dans son habit bleu, au haut de ses guêtres fauves. L’or clair de son visage rayonne autour des yeux ironiques et profonds. Mais son sourire a gagné d’ineffables indulgences.

Les palais rient de leurs céramiques colorées au bout des charmilles unies, en l’air, par des toits de lianes et de vignes sauvages. Vêtus de bleu, les gens marchent avec l’allure d’un bonheur grave. Il y a des allées de sable écarlate ; des eaux jaillies, violettes, pourpres, orangées, mauves ; des statues groupées de personnages nobles qui regardent les astres, avec des yeux passionnés, ou dont le geste s’émerveille devant le miracle éclos aux transparences de la cornue. Un très fin réseau métallique enferme dans les perspectives sylvestres la course de daims, de cerfs, de chevreuils. Les belles bêtes déambulent entre les arbres. Des faisans picorent. Les paons s’irradient, perchés sur le rebord des vasques. Entre les verdures noires des taillis, le flamant rose baigne, en une mare constellée de fleurs énormes, ses pattes de filigrane.

Le plus étrange de la ville est un lieu cave pareil au gigantesque hippodrome de Byzance.

En ce val, des nègres et des Malais vivent solitaires, chacun à l’abri d’une arcade que des grilles ferment. Des cascades artificielles imprègnent de fraîcheur les rues qui desservent les façades. Des arbustes et des stores propagent l’ombre. Ces prisons forment une sorte d’avenue triangulaire dont la base est une scène de vaste théâtre. La ligne droite de l’angle est habitée par les femmes ; la ligne gauche par de jeunes hommes.

Des fleurs très odorantes ornent les cheveux des uns et des autres.