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Page:La Revue blanche, t13, 1897.djvu/166

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FA REVUE BLANCHE

Joie a grimpé sur sa bicyclette. Joie trompe et ment assez mal ; mais elle est admirablement infidèle.

VI

Matho, qui ne perd pas non plus le profit de toutes les leçons, à Taide d’un petit couteau déluré a ouvert une lettre que Joie, avec une candeur de petite oie, l’a prié de mettre à la poste. Avec le cynisme —l’inconscience ( ?)—loquace des femmes, elle dit à une amie de doux projets très machiavéliques. Les termes sont frais et féroces. Une grande clarté d’élocution. L’amour le plus éthéré est d’ailleurs le but de ces machinations compliquées, car, dit-elle, elle a la résolution de commencer par bien nourrir la bête, afin qu’ensuite l’esprit soit libre et point inquété par de bas appétits.

VII

Joie ment comme une pédicure ; comme n’importé quel fonctionnaire.

’ Joie ment avec ardeur, avec fougue, et un entrain qui donnerait des soupçons au plus innocent imbécile. Aussi son mari, qni n’est ni l’un ni l’autre, la croit-il de point en point.

— Joie, ma petite Joie, jure que tu n’a pas fait <t ça » !

— Mais, voyons, béta, jamais de la vie.

— Mais, il t’a embrassée, ce crétin ? Joie ne voit pas dans cet acte une preuve de crétinisme et engage une discussion là-dessus.

— Mais enfin, oui ou non ?

— Non I

— Mais, Joie, tu l’aimes, ce voyou, dis ? Indignation de Joie. Voyou ? Pourquoi voyou ? Qu’est-ce qu’un voyou d’abord ? Elle veut chercher dans le dictionnaire : V-V-Vo...

— Non, non ; laisse ça ! mais, Joie... dis ? tu m’aimes, alors ? VIII

A ce moment, une grande révolte monte du cœur aux lèvres de Joie. Toute son indécente gaminerie s’évanouit. Elle est toute pâle ; ses yeux se creusent et foncent ; une petite sueur perle sur sa lèvre supérieure. Et elle regarde avec tristesse son mari — un homme après tout !

— parce qu’elle va lui faire mal. A lui qui ne désire que la paix, elle jettera le brandon de la guerre. Matho l’a prise par la main anxieusement.