Page:La Revue blanche, t13, 1897.djvu/232

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Les poètes


Henri Ghéon : Chansons d’Aube. — Sébastien-Charles Leconte : L’esprit qui passe. — Tristan Klingsor : Filles-Fleurs et Squelettes fleuris. — Albert Boissière : L’Illusoire Aventure.


Au moment même de cette année, ou l’été, comme toute autre année, est venu disperser les Parisiens, les persuadant à rudes rayons qu’il était temps de fuir leur nombre même, M. Henri Ghéon leur apportait un petit livre qui est une ode aux plaisirs de la campagne, aux joies des paysages matineux, un madrigal à l’aurore ; c’est le premier recueil de M. Henri Ghéon ; il se présente sous les riants auspices de la nafure fraîche et tendre qu’il chante ; il est fort probable que l’accueil qu’il rencontrera sera trèsaimable, et ce sera justice car ces Chansons d’Aube sont souriantes, sonnent juste et de bonne foi.

La campagne qu’évoque M. Henri Ghéon doit tout son pittoresque aux jeux réguliers de la lumière, de l’ombre, et aux gestes ordinaires de ses habitants. Elle est pittoresque parce qu’existante et perçue avec finesse et plutôt avec abandon. On lit entre les strophes que cela se passe en un gros village, presque petite ville, de pays assez plat (quoiqu’à des collines des pâtres paîssent des moutons). Il y a là des propriétés blanches avec des grilles, des perrons, des vases décoratifs, des parterres, et les chambres où nous pouvons jeter les yeux, nous n’en apercevons que des murs tendus d’un papier floré de roses, et il y a du chèvrefeuille aux fenêtres. C’est un village propret, à qui le matin on fait sa toilette, on y vaque à tous les soms de la vie, sans hiératisme, mais au contraire avec le plus parfait naturel et la plus grande simplicité.

Du moins cela apparaît-il ainsi aux strophes de M. Henri Ghéon et c’est là leur qualité principale. — Lisez la chanson :


Devant ma maison close
tout le village ce matin est passé.


Vous entendez les voitures des maraîchers qui partent pour le marché, puis les maçons dont le pas « sonnait haut et clair, et les murailles ont tremblé de toutes leurs pierres ». puis ce sont les charrues et les chansons sifflées des laboureurs qui annoncent que l’aube est enfin née, puis les enfants qui mènent les troupeaux et frappent de leurs bâtons contre les volets du citadin encore endormi, et qui peut croire que l’aurore elle-même est venue frapper à sa fenêtre, et cette chanson vous donnera une bonne caractéristique du talent de M. Ghéon et vous indiquera comme à moi que ce talent fait de sincérité consiste beaucoup en cette élégante concision, en cette façon de chanter la nature, les champs, la maison rustique, ses servantes agiles, ses enfants bruyants, rusés, naïfs si facile-