Page:La Revue blanche, t13, 1897.djvu/359

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— As-tu froid ? demanda-t-il.

— Non, dit-elle en riant.

Satisfait, il se coucha, et se serra contre elle. Dans ses bras, de tout son corps, il la tiédit, elle, près d’éclore, il la couva.

— Comme cela, tu n’as plus froid ? dit-il.

— Non, dit-elle avec force.

Mais le sommeil ne venait pas. Elle se plaignait parfois, et ils auraient voulu que ce soit déjà le jour. Mais la douleur prolongeait la longue nuit.

Pilleux inquiet, et la sentant qui grelottait, se releva, chercha ses hardes, un paletot, mit tout ce qu’il put sur le lit, tout ce qui pouvait tenir chaud, comme on jette à la flamme tout ce qui peut brûler, lorsque l’on a du feu.

— Tu n’as plus froid ? dit-il.

— Non, dit-elle avec défi.

Déjà les gémissements commençaient.

Mais celle qui était entrée, cette nuit de l’enfantement, celle qui, après le dernier charbon et le dernier sou, était venue s’asseoir à ce foyer sans feu, celle-la — qui n’était pas le bonheur — se mit à siffler sous les portes mal closes.

La Misère entra, cette nuit-là.

Mais elle ne resta pas à gémir sous la porte, elle ne resta pas assise auprès du feu éteint, elle voulait avoir chaud, et elle grimpa sur le lit, elle se mit entre eux deux, leur demanda là, une petite place, pour se réchauffer, et leur demanda de bien l’aimer, et de la nourrir, l’élever, qu’elle soit grande ! Elle tendit sa petite bouche à leurs baisers…

Ils ne surent pas que c’était elle. Ils lui sourirent.

Eugène Morel
(La troisième partie au prochain numéro)