Eh bien ! Derrière ce mur…
Des croix, des tertres, des pierres ; un champ d’automne qui se fane sur des souvenirs de vies qui fleurirent autrefois…
Cimetière, ville endormie.
Des millions de souffrances, s’étant éteintes, ont jeté là les loques de leur existence usée. Habits de travail, de fête, de guerre. Tout cela qui a servi et ne peut plus se porter. Des couronnes ! Autrefois des têtes de vivants en portaient. Des emblèmes de souvenirs qui s’effritent pour bien montrer qu’ils oublient. Et des fleurs par milliers. Des fleurs toutes rouillées.
Du pâle soleil d’automne caresse sans réchauffer, caresse doucement comme pour consoler, — ou craint de réveiller.
Retiens aussi ton souffle ! Ne réveille pas ! Si quelque clairon résonnait, tous ces morts si bien couchés en rangs, il semble… S’ils se levaient, ils seraient déjà en ordre de bataille.
Mais rien ne retentit. Le sommeil est très doux. Une femme qui dort les bras au-dessus de sa tête, les lèvres entr’ouvertes — et qui ne sait pas qu’elle ne doit pas se réveiller ! — Chérie, chérie, que tu es belle ! Et le cimetière aussi, chérie, dort gentiment. Âme douloureuse, tu dormiras comme cela. Car ils furent agités de farouches convulsions, ces morts qui se dressèrent de tant de rage et d’héroïsme, qui montèrent si haut pour tenter si vainement de réaliser leur rêve, et de planter le drapeau de la dernière révolte. Mais revenus de ces voyages excentriques, ils sont descendus de tous, ces rêves, et de la vie.
Ils dorment là, les pauvres héros inutiles…
Les pauvres héros… les derniers.
Voici le mur, l’endroit du saint anniversaire !
Hélas ! morts pour rien. Sacrifiés sans raison. Leur sang jeté à des sillons infertiles. Ils ont été dormir sans même une promesse d’un meilleur lendemain.
Et depuis il n’y a plus rien eu.
Ici, à ce mur, la dernière révolte a craché le dernier espoir. Ici la France agonisante s’est couchée.
Et depuis il n’y a plus rien eu.
Et puis, il n’y aura plus jamais rien !
La Revanche !
Vous aussi ! Une revanche ! Les fleurs se sont rouillées… Printemps, printemps, venge-nous ! Il les vengera faisant jaillir mille autres fleurs. Mais il y a plus de vingt ans que l’hiver sévit ; si le printemps est mort en route, qui le vengera ?
Gamin, tu te rappelles ; oh ! les belles journées ! Pantalons rouges, képis galonnés… Pif et paf ! Ça tombait sous les balles. Gamin ! que tu en tuas ! Homme, tu peux aussi meurtrir nos sociétés, découdre beaucoup de galons, et mettre d’autre rouge aux jambes que la garance.
Pourtant tu ne fus pas victorieux.
Le droit était pour toi. Le devoir était pour eux ! La force décide.