Page:La Revue blanche, t17, 1898.djvu/310

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chambre, avec son cœur, seul confident de sa folie. Elle se disposait à faire une retraite aussi silencieuse que son entrée quand, à un bruit de pas venus d’où ? elle s’arrêta, tremblante. Être découverte là, fût-ce par un domestique, serait, fâcheux ; mais, par le général, qui se dressait toujours devant vous quand on le désirait le moins, serait pis. Elle écouta. Le bruit avait cessé. Résolue à ne pas perdre une minute, elle sortit et ferma la porte. Au même moment, une porte, à l’étage inférieur, fut ouverte. Quelqu’un montait rapidement l’escalier devant lequel Catherine devait passer pour gagner la galerie. Incapable d’aucun mouvement, elle regardait anxieusement l’escalier. Henry apparut.

— Monsieur Tilney ! s’écria-t-elle, stupéfaite.

Lui-même semblait étonné.

— Mon Dieu ! continua-t-elle, comment êtes vous arrivé ici ? comment avez-vous pu prendre cet escalier ?

— Comment j’ai pu prendre cet escalier ? répondit-il grandement surpris. Parce que c’est le chemin le plus direct de la cour de l’écurie à ma chambre. Et pourquoi ne monterais-je pas cet escalier ?

Catherine se ressaisit, rougit très fort et ne put rien répondre. Lui, semblait chercher sur les traits de Catherine l’explication qu’elle taisait. Elle se dirigea vers la galerie.

— Ne puis-je, à mon tour, dit-il, comme il refermait la porte de la galerie, vous demander comment vous êtes venue de ce côté ? Ce couloir était un chemin au moins aussi extraordinaire pour aller de la salle à manger à votre chambre que l’escalier peut l’être pour aller à ma chambre en venant des écuries.

Catherine, baissant les yeux, dit :

— Je suis allée voir la chambre de votre mère.

— La chambre de ma mère ! Y a-t-il donc quelque chose de si curieux à y voir ?

— Non, rien… Je croyais que vous vous proposiez de ne revenir que demain.

— Quand je suis parti de Northanger, je ne croyais pas pouvoir rentrer si tôt. Mais, il y a trois heures, j’ai eu le plaisir de reconnaître que rien ne me retenait plus à Woodston… Vous êtes pâle. Je crains de vous avoir effrayée en montant si rapidement l’escalier. Peut-être ne vous doutiez-vous pas qu’il conduisait aux communs.

— Non, je ne le savais pas… Vous avez eu beau temps pour revenir à cheval.

— Très beau… Éléonore vous laisse donc chercher votre chemin toute seule à travers la maison ?

— Non. Elle a visité la plus grande partie de l’abbaye avec moi, samedi. Mais nous ne sommes venues vers ces chambres-là qu’une fois. (Baissant la voix :) Votre père était avec nous.

— Et cela vous gêna dans votre visite, dit Henry, la regardant avec insistance. Avez-vous visité toutes les chambres qui donnent sur le couloir ?