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NOTES POLITIQUES ET SOCIALES
Défaite en échelons [1]

Chaque fois qu’il s’est produit un déraillement grave, et pendant que l’opinion publique en est encore vivement émue, comme on dit, on voit le représentant de l’arrondissement victime s’élancer à la tribune, et demander l’urgence pour une proposition de loi si bien faite que l’on ne sait plus comment de nouveaux accidents pourraient encore oser faire parler d’eux. Il ne faut donc pas s’étonner si, vers la fin de l’affaire Dreyfus, — et un peu après le commencement de l’affaire Picquart, — nous voyons un conseiller municipal ou un député radical proposer des mesures pour éviter le retour d’un accident aussi regrettable.

Cela ne tire pas à conséquence : on attaque les congrégations comme on attaquait les grandes compagnies ; moyennant quoi M. Raynal rapportera le budget des Conventions et M. Zurlinden commandera au deuxième conseil de guerre, sans toutefois le lui ordonner, de condamner le colonel Picquart. Et les radicaux seront contents.

Ils ne seront pas surpris d’avoir été battus, car ils en ont une longue et chère habitude ; pour vaincre, il faut souhaiter la victoire et parfois même avoir du courage : or les radicaux ont toujours du courage, excepté pendant la bataille, et ils savent qu’il est de favorables défaites ; demandez plutôt à M. Doumer, pendant que nous l’avons à Paris, ce qu’il pense de l’impôt sur le revenu de l’Indo-Chine.

Ainsi nos radicaux s’étaient fort opportunément rappelé qu’ils avaient fait profession d’anticléricalisme aux précédentes législatures, que telle était leur gloire ; oubliant la campagne électorale et se pardonnant à eux-mêmes certaines alliances qui ont réussi, les radicaux résolurent de partir en guerre. Ne sais quand reviendront, car ils sont prisonniers.

Cela n’est pas de leur faute ; le malheur vient de ce que ces conventionnels ralliés n’ont pas du tout le tempérament révolutionnaire ; M. Fernand Rabier déclare soigneusement, au nom de ses collègues radicaux socialistes (s’il est permis de parler ainsi), qu’il n’y a dans cette Chambre que des députés ; il ne s’agit pas, sachez-le bien, de francs-maçons. Heureusement que M. de Mun fut bon prince et n’insista pas trop. On eût fini par lui déclarer non moins soigneusement qu’il n’y avait jamais eu de Jacobins à la Convention, que le Comité des 9 n’était qu’une sorte de grande commission, — analogue à cette précieuse commission des 33 que M. Levraud venait de faire instituer pour veiller sur l’Université.

Notez que M. Fernand Rabier est un des meilleurs ; c’est un radical vieux jeu ; dans sa province d’Orléans il ne fut pas élu par des réactionnaires contre un socialiste, ce qui est à Paris le nouveau jeu radical ; mais il fut élu contre des réactionnaires par des radicaux et par des socialistes.

  1. Messieurs les radicaux nous sauront gré de ce titre un peu militariste.