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Notes
politiques et sociales
LA CRISE ET LE PARTI SOCIALISTE

L’événement le plus important de la récente crise ministérielle est assurément la crise intérieure des partis révolutionnaires, et la journée caractéristique de ces deux crises reste la journée du lundi 26 juin. Puisque la République bourgeoise et en elle l’espérance de la République sociale fut sauvée ce lundi à 26 voix de majorité, il serait vain de récriminer ; mais quelques réflexions s’imposent.

Il est assez peu intéressant que la droite se soit aussi sauvagement et aussi sournoisement élancée à l’assaut des institutions républicaines ; il est assez peu intéressant que M. Méline ait sournoisement conduit cet assaut ; il est peu intéressant aussi que certains radicaux aient tout trahi par basse envie et par dépit, que M. Mirman ait trahi par goût et M. Pelletan par inconsistance débraillée : tout cela n’était pas très intéressant, parce que cela est habituel, parce qu’on pouvait le prévoir, parce que nous n’avons jamais sérieusement compté sur aucun de ces hommes pour préparer la naissance et la vie de la cité socialiste.

Mais ce qui est douloureux et intéressant, c’est la radicale impuissance que les partis soi-disant révolutionnaires ont montrée.

Le groupe socialiste à la Chambre était depuis longtemps travaillé par des dissensions sincères ; les députés qui appartenaient aux fractions socialistes organisées n’aimaient pas beaucoup M. Millerand et même, à ce que l’on prétend, M. Viviani : c’était leur droit ; mais il fallait le dire tout haut, il fallait le dire plus tôt ; et surtout il ne fallait pas crier victoire les jours où M. Millerand faisait applaudir par la Chambre des discours purement radicaux, le jour où M. Viviani fit afficher par la Chambre un discours purement républicain bourgeois. Il fallait dès alors déclarer que ces triomphateurs étaient des radicaux ; et il fallait le déclarer au moment même du triomphe. Il est d’une mauvaise tenue de lâcher les gens quand ils prennent des responsabilités redoutables, parfaitement conformes d’ailleurs à toute leur conduite antérieure.

Je sais bien qu’il y avait M. le marquis de Galliffet. Au commencement de cette séance mémorable, plusieurs socialistes se levèrent courageusement et crièrent : « Vive la Commune ! » ; puis ils chantèrent, sur l’air des Lampions : « Assassin ! Assassin ! Assassin ! » Qu’ils nous permettent de le leur dire : cette manifestation parut un peu littéraire, un peu faite. Ce qui n’était pas littéraire, c’était de crier « Vive la Commune ! » en 1871 devant M. le marquis de Galliffet,