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LE BAROMÈTRE DE MARTIN-MARTIN


La Rentrée des Chambres


Monsieur le directeur, rédacteur en chef « du Bulletin-Panthéon des grands hommes de la Troisième République », 83, rue des Aubépines, Bois-Colombes (Seine).
Monsieur le Directeur,

Je m’empresse de vous adresser les renseignements que vous avez bien voulu me demander et qui vous sont nécessaires pour établir dans votre journal la notice me concernant.

Martin dit Martin-Martin (Félix, Alban), né le 6 juin 1850, à Saint-Hermentaire (Plateau-Central).

Après avoir fait de fortes études au collège de La Marche, une maladie de croissance m’empêcha de poursuivre l’obtention de mes grades universitaires. Je rentrai dans mon domaine familial des Petits-Cailloux (commune de Saint-Hermentaire), où la mort prématurée de mon pauvre père devait me laisser, tout jeune encore, à la tête d’une importante exploitation viticole. Insister sur ce point que, pendant l’Année Terrible, bien qu’exempté du service militaire et à peine majeur, je n’en ai pas moins abandonné de gros intérêts pour venir accomplir mon devoir, et ai figuré jusqu’à l’armistice comme adjoint au secrétaire-trésorier, des francs-tireurs du Plateau-Central.

Je passe bien entendu sur les événements d’ordre purement intime qui ont suivi, tels que mon mariage avec mademoiselle Martin-Bedu ; peut-être cependant pourra-t-il être intéressant pour vos lecteurs d’apprendre que M. Martin-Bedu, mon beau-père, ancien avoué, est le doyen des maires du Plateau-Central, et que, seuls, deux autres de ses collègues plus âgés, l’un dans le département de l’Ardèche, l’autre de la Drôme, lui disputent le décanat pour la France entière.

Très absorbé par les soins de mon exploitation, je ne songeais nullement à la vie publique, lorsqu’en 1886, le Conseil municipal de Saint-Hermentaire ayant été dissous, les républicains m’offrirent de se grouper autour de moi pour démolir la réaction à qui nos divisions avaient jusqu’alors malheureusement laissé le champ libre. Bien que je ne m’occupasse point de politique, mes convictions et celles de ma famille étaient suffisamment connues ; d’autre part, ma situation dans le pays me donnait une certaine influence ; bref, je ne crus pas pouvoir me dérober à l’œuvre de discipline républicaine pour laquelle on faisait si spontanément appel à mon dévouement. Élu maire à une écrasante majorité, dès l’année suivante les républicains du canton me confiaient leur drapeau, et j’étais assez heureux pour le faire triompher, lors du renouvellement au conseil d’arrondissement,