Le Diable. — Je vous la procure.
Le Margrave. — Comment ?
Le Diable. — Mais à conditions.
Le Margrave. — Stipulez ce qu’il vous plaît.
Le Diable. — D’abord, il faut que vous fassiez étudier à votre fils aîné la philosophie.
Le Margrave. — Bon.
Le Diable. — En second lieu, que vous mettiez à mort treize compagnons tailleurs.
Le Margrave. — Te moques-tu de moi, coquin ? Qu’est-ce que ces prétentions extravagantes ? Mettre à mort treize compagnons tailleurs ! Pourquoi précisément des compagnons tailleurs ?
Le Diable. — Parce que ce sont les plus innocents.
Le Margrave. — C’est une raison ! Mais treize ! Quelle multitude ! Non, je veux bien à la rigueur en mettre en pièces sept, mais pas un de plus.
Le Diable (offensé). — Pensez-vous que je me laisse marchander comme un Juif ?
Le Margrave. — Écoutez, monsieur, j’en égorgerai neuf — onze — même douze ; laissez-moi seulement le treizième ; ça dépasserait la juste douzaine !
Le Diable. — Soit, je me contente du chiffre, si tout au moins, pour le treizième, vous voulez bien lui casser quelques côtes.
Le Margrave. — Oh ! pour une paire de méchantes côtes, cela m’est indifférent. Mais… mais…
Le Diable. — Encore un mais ?
Le Margrave. — Oui, voyez-vous ! J’ai un habit neuf et un neuf gilet blanc, et ils seront bien salis par ce massacre !
Le Diable. — C’est moins que rien ! Vous n’avez qu’à mettre une serviette devant vous !
Le Margrave. — Le vautour m’emporte, c’est vrai ! Je mettrai une serviette devant moi !
Le Diable. — Et demain je vous attends auprès de la maisonnette de la forêt, à Schallbrunn ; alors vous dénouerez votre serviette et prendrez la baronne dans vos bras.
Le Margrave. — Hohoho ! Pour cela, je n’aurai pas besoin de serviette !